Sachso
d’opération, même des chars !
Quand ils n’ont pas été directement touchés par des tirs ou des bombardements, ces véhicules ont été sabotés : des maladies que connaissent bien les Français du kommando et qu’ils s’ingénient souvent à aggraver sous prétexte d’y remédier. Jean René est de ceux-là :
« Dans ma baraque de travail, il y a cinq techniciens S. S. pour vingt détenus. Ils ne semblent pas mauvais. Le chef, un Autrichien, qui assiste aux derniers essais des voitures, répète qu’il n’est pas volontaire. Il nous informe de ce qui se passe au-dehors. C’est lui qui nous annonce, le 6 juin 1944 au matin, le débarquement en Normandie… À aucun moment je n’observe de mouchardage dans notre atelier, mais en est-il de même dans les autres ? »
Malheureusement, ce n’est pas le cas. En juillet 1944, deux Français du Kraftfahrzeugdepot sont arrêtés : Bertrand Gauchet, puni de cellule et de transport disciplinaire, Fernand Bréan qui disparaîtra à jamais.
À midi, Jean René voit encore, comme d’habitude, Bréan venir aux informations et au ravitaillement : « Nous avions inventé un crochet qui nous permettait, d’une tranchée longeant le chenil des S. S. situé à proximité, de ramener à nous deux soupes de chien… » Le soir, ce colosse, forgeron de son état, est entre les mains de la Gestapo. C’est la consternation chez les Français, à commencer par Jean René et son petit groupe d’amis du kommando : Cavagnat, qui travaille à la réparation des radiateurs, Claquesin, Giraud et Bernadac.
Robert Bernadac, qui a reçu des poèmes de Louis Challier, hospitalisé au Revier, les enterre dans une bouteille, au pied d’un pin. Ils y sont toujours. Mais d’autres poèmes de Challier, confiés à Charles Brabant, sont rapportés en France et, en 1948, un montage à la radio en est fait par Pierre Crénesse.
Troisième kommando du Wald par son effectif – cinq cents détenus –, le Hauptzeugamt est en quelque sorte l’arsenal des S. S. Des tranchées, des réseaux de barbelés, des pièges anti-chars l’entourent et en font une forteresse dans la forteresse. Dans les sous-bois, des pièces d’artillerie pointent sous des bâches. Les baraquements regorgent d’armes et de matériels en tous genres : des compresseurs aux canots pneumatiques. Il y a également un garage. Robert Franqueville y est peintre durant l’hiver 1944-1945 : « Le S. S. commandant le garage est un Roumain à lunettes, petit, aux yeux de fouine, antipathique. Le chef d’atelier, détenu, est un Hollandais d’une cinquantaine d’années, garagiste à Amsterdam. Parmi les autres, je compte deux Hollandais, un Belge, un Français, un Polonais…
« Théoriquement, je suis peintre au garage. Mais il n’y a plus de peinture depuis plusieurs semaines. L’usine qui la fournit a été entièrement détruite par un bombardement. Alors, on m’emploie à tout, en particulier à pousser les voitures pour les faire démarrer, car ces messieurs tiennent à ménager les batteries…
« Dans la neige, sans gants, à peine nourris (à présent, une soupe par jour à sept heures et la boule pour huit hommes), nous travaillons sans répit pour que les trains de matériel soient prêts à la moindre alerte. »
C’est du Nachrichtenzeugamt que les convois partent pour le front. Trois cent soixante détenus se trouvent dans ce kommando et les informations qu’ils rapportent au camp sont précieuses pour évaluer la situation militaire en tel ou tel secteur.
Quelques kommandos du Wald font exception à la règle et ne travaillent pas dans les ateliers militaires des S. S. Pierre Robert et ses deux cents compagnons de l’ Ersatzkommando creusent de grandes fosses dans le sol. Les cent vingt du Waldlager défrichent de nouveaux espaces dans la forêt pour agrandir les parcs des véhicules à réparer.
En octobre 1943, Marcel Couradeau, ramené de Heinkel au block 25 du grand camp, est affecté au Waldlager : « Nous sommes dans les derniers à partir et je vois défiler devant moi la presque totalité des travailleurs de l’extérieur. À 6 h 30, notre tour arrive. Encadrés par les S. S. et leurs chiens, en route pour la forêt !
« Depuis que je suis de retour à Sachsenhausen, la pluie ne cesse de tomber ; une pluie fine, pénétrante et rudement froide qui s’insinue par le col de la capote et vous gèle jusqu’aux os. Les vêtements trempés sont comme
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