Sachso
centre qui fournit les chiens aux autres camps de concentration, à la Gestapo, aux services spéciaux, mais il est l’école où se forment leurs maîtres S. S. La soixantaine de détenus affectés à ce kommando ne s’occupent que des corvées de nettoyage et de ravitaillement. Mais, comme les S. S. soignent mieux leurs chiens que leurs prisonniers, les places sont chères pour entrer au Hundezwinger.
À plusieurs reprises, un Russe de ce kommando des chiens donne à Gaston Bernard un biscuit destiné aux animaux : « Ce sont des biscuits carrés et très durs. Nous parvenons à les grignoter malgré tout. Nous leur trouvons un léger goût de chocolat. »
À ce moment-là, Gaston Bernard, qui change mainte et mainte fois de place, est au Gärtnereiwiese, un kommando voisin de Hundezwinger, mais qui ne travaille pas directement pour l’arsenal de guerre des S. S. En bordure de la forêt, c’est un vaste terrain potager qui produit des légumes et où pommes de terre, carottes, betteraves rouges sont stockées en silos, non pas pour les détenus, mais pour la garnison S. S. d’Oranienburg-Sachsenhausen.
Évidemment, Gaston Bernard ne laisse pas passer les occasions : « À la moindre inattention de nos Vorarbeiter et Vormänner, nous dévorons les légumes sur place, car, le soir, nous sommes sévèrement fouillés. Après une journée occupée à mettre des betteraves rouges en silo, le S. S. pousse même le soin jusqu’à nous faire uriner : ceux dont l’urine est légèrement teintée ont droit au matraquage. »
Il n’y a que vingt-cinq ou trente détenus au Gartnereiwiese. Michel Cavaillès y reste près de deux ans : « Quand j’y arrive la première fois, le Vorarbeiter me désigne du doigt un tas d’outils et me dit (je le saurai par la suite) : “Va chercher une bêche !” Ne comprenant pas un traître mot d’allemand, je me dirige vers les outils et rapporte un râteau, ce qui me vaut une grêle de coups. En vitesse, je remporte le râteau et ramène, au hasard, une bêche. Cette fois, ni coups ni hurlements. Voilà comment j’ai compris ce que signifiait le mot Spaten. Au fur et à mesure, j’apprends ainsi à baragouiner l’allemand avec le “dictionnaire” des S. S. : la trique. Par la suite, cela m’évite bien souvent d’être frappé.
« Un jour, par exemple, nous charrions des patates dans les fameux Tragen, espèces de caisses munies de brancards à l’avant et à l’arrière, nous permettant à deux de transporter soixante-dix à quatre-vingts kilos de pommes de terre. Je suis avec Bernard Surin, qui abandonne soudain ses brancards pour aller pisser derrière un pin. Inutile de souligner que chaque fois on prolonge l’opération le plus longtemps possible. Les fesses sur les bords du Trage pour faire croire que je suis debout, j’observe en direction du potager pour parer à toute surprise. Mais c’est dans mon dos, de la forêt que surgit le danger : un Allemand m’interpelle en vociférant. Immédiatement, les réflexes jouent. Comme un ressort, je me mets au garde-à-vous, j’enlève mon Mütze et débite rapidement dans mon jargon de quoi il retourne. Est-ce mon assurance, la manière dont je réponds ? Toujours est-il que je m’en tire sans dommage…
« De toute manière, au Gärtnereiwiese, nous nous serrons toujours les coudes. Ainsi, un autre jour, nous chargeons une remorque de pommes de terre quand le camion qui doit la tracter arrive en avance. En attendant que le chargement soit terminé, le chauffeur descend et s’en va discuter avec le S. S. chef du kommando : Fritz le Zozoteur.
« Sacha, un jeune Ukrainien, en profite pour s’approcher du camion, soulever la bâche et regarder à l’intérieur. “Du pain, du pain !” dit-il. Instantanément, une dizaine de Russes et d’Ukrainiens se consultent et tirent à la courte paille. L’un d’eux, désigné par le sort, se faufile entre les rangs de tomates et commence ostensiblement à en cueillir et à remplir ses poches. Les S. S. et le Vorarbeiter se ruent sur lui : la diversion a réussi. Ce court laps de temps suffit aux autres à sortir des boules de pain du camion au bout d’une fourche et à les enfouir dans le sable. Ni vu ni connu…
« À la fin, peu de temps avant l’évacuation, nous sommes le seul kommando à sortir du camp, car les officiers S. S. exigent toujours leur ravitaillement habituel de légumes. Cependant, quatre ou cinq fois dans la
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