Sachso
chapitre), le dispositif d’alerte change. Les dortoirs-abris des sous-sols où il y a eu de nombreuses victimes sont abandonnés pour une petite portion du bois qu’un nouveau tracé des barbelés incorpore dans l’enceinte du camp.
De jour ou de nuit, c’est là qu’il faut se rendre, exposés aux intempéries et aux éclats d’obus de D. C. A. qui retombent en bourdonnant… et en faisant maints blessés, comme Roger Querrach, qui doit être trépané.
L’après-midi du 14 août 1944, Alfred Toquereau, du Mans, y retrouve le trou qu’il a creusé avec ses camarades : « Nous le recouvrons d’une vieille tôle de récupération et d’un peu de sable. Nous nous y serrons à huit : Pierre Fauriaut de Vitry-le-François, François Guyomarch de Romainville, Gachy de Bayonne et les autres habitués. Quand je propose d’allumer une cigarette de makorka, tous m’approuvent, avides d’une goulée. Soudain, un hurlement nous coupe le souffle. En allemand, on ordonne au fumeur de sortir. J’obéis et me trouve en face d’un S. S., descendu du mirador voisin à la vue de quelques volutes de fumée.
« Menaçant, il manœuvre la culasse de son arme et m’emmène près des barbelés électrifiés. J’y reste accroupi jusqu’à la fin de l’alerte, sous les yeux de mes camarades redoutant le pire. »
D’autres mettent à profit ces alertes en plein air pour compter les avions qui se succèdent sur Berlin. Le 28 avril 1944, Pasdeloup en dénombre mille deux cents peu après 9 heures du matin et assiste le cœur serré à la descente d’une « Forteresse volante » dont les parachutistes sont mitraillés.
Est-ce le même incident qui frappe Gaston Bernard ? « Un jour, après le bombardement du 18 avril 1944, nous sommes dans le petit bois quand une Forteresse est touchée, au-dessus de nous. Un moteur brûle. Cinq hommes sautent en parachute et l’un est mitraillé par un chasseur allemand. La Forteresse tourne presque sur elle-même. Nous sommes inquiets, car elle a peut-être encore ses bombes et… elle pique sur nous.
« Tout à coup, le moteur en flamme se détache, tombe plus vite que l’avion et entraîne un des parachutistes juste en-dessous à ce moment-là. Les deux ou trois autres touchent le sol. La Forteresse s’écrase près de la ligne de chemin de fer à huit cents mètres du kommando.
« D’après les bruits qui circulent ensuite, l’équipage a été fusillé. »
Les bombardements qui se multiplient sur l’Allemagne ont une autre conséquence pour le kommando Heinkel. L’usine est au nombre de toutes celles concernées par un décret de Hitler qui ordonne qu’elles disposent désormais d’une réserve d’eau pour la lutte contre les incendies. Le Baukommando est chargé de creuser ce bassin en plein air, aussitôt appelé « la piscine ». Les jours de repos, tous les déportés y sont envoyés en corvées de renfort. Est-ce pour cette raison et parce que la direction intérieure du kommando passe entre-temps des « verts » aux « rouges », mais les baignades y sont tolérées aux beaux jours durant les rares moments de pause. Par contre, une utilisation imprévue de la « piscine » est qu’elle sert quelquefois à la mise hors d’état de nuire d’un redoutable dénonciateur à la solde des S. S. On l’y retrouve « noyé », sans plus d’explication.
La nature même de Heinkel déjà soulignée, usine-camp de concentration avec le plus gros effectif hors de Sachsenhausen, implique en effet une lutte encore plus rude qu’ailleurs entre les forces en présence : les « verts », les « rouges », les S. S. et, ici, la direction Heinkel, qui paie Himmler pour ses esclaves et veut en avoir pour son argent.
Au début, les « verts » ont la haute main sur l’administration du camp et ne laissent aucun répit aux déportés. Dans les blocks, il y a toujours quelque chose qui n’est pas korrect et donne matière à punition. Pasdeloup en redoute surtout une : « Elle consiste à obliger le puni à grimper sur un placard et à s’accroupir en tenant à bout de bras une gamelle pleine d’eau. Si une goutte tombe (et il en tombe toujours) l’homme est cravaché et l’on remplit à nouveau sa gamelle. Jusqu’à ce que la scène recommence, ce qui se produit plusieurs fois durant la demi-heure ou l’heure de ce supplice. »
Les premières distributions de soupe sont d’effroyables jeux de massacre déclenchés par le
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