Sämtliche Werke
de tout article anonyme, et qu’elle était forcée de représenter le journal non seulement vis-à-vis du public à mille têtes, mais aussi vis-à-vis de bien des autorités sans tête aucune: cette pauvre rédaction, qui avait à lutter contre d’innombrables obstacles tant matériels que moraux, avait bien le droit d’arranger chaque article selon ses besoins du jour, et d’y faire à son gré des suppressions, des retranchements, bref, des changements de toute espèce; il fallait bien lui accorder ce droit, quand même les opinions personnelles et hélas! parfois aussi le style de l’auteur subissaient par ce procédé de graves atteintes. Un publiciste bien avisé doit, pour l’amour même de sa cause, faire bien des concessions amères à la brutale nécessité. Il y a assez de petites feuilles obscures où nous pourrions répandre notre cœur entier avec toutes les flammes de son enthousiasme et de sa colère – mais ces feuilles n’ont qu’un public très restreint et tout à fait impuissant; et écrire dans de tels journaux, vaudrait autant que d’aller pérorer à l’estaminet, devant les habitués du lieu, à l’instar de la plupart de nos grands politiques et grands patriotes. Il vaut mieux modérer notre ardeur et nous prononcer avec une retenue sensée, sinon même sous un déguisement quelconque, dans un journal appelé à bon droit la ›Gazette universelle‹, et dont les feuilles répandues dans tous les pays viennent entre les mains de bien des milliers de lecteurs. Même dans sa mutilation la plus désolante, la parole peut ici exercer une influence salutaire; la plus légère indication devient parfois une semence féconde dans un sol inconnu à nous-mêmes. Si je n’avais pas été animé de cette pensée, je ne me serais jamais infligé l’affreuse torture d’écrire pour la ›Gazette universelle d’Augsbourg‹. Comme je fus de tout temps entièrement convaincu de la fidélité et de la loyauté de ce noble et bien-aimé ami, mon frère d’armes depuis plus de vingt-huit ans, qui dirige la rédaction de la ›Gazette universelle‹, j’ai bien pu supporter de sa part les tourments de ces retouches et de ces accommodements qu’ont subis mes articles; – ne voyais-je pas toujours devant moi les yeux honnêtes de mon ami, qui semblait dire à son camarade blessé: Est-ce que moi, par hasard, je suis couché sur des roses?«
En publiant aujourd’hui sous mon nom ces correspondances que j’avais fait paraître, il y a déjà si longtemps, sans aucune signature, j’ai bien le droit de réclamer à cette occasion le bénéfice d’inventaire, comme on a l’habitude de le faire pour un héritage sujet à caution. J’attends de l’équité du lecteur qu’il veuille prendre en considération les difficultés autant du lieu que du temps, contre lesquelles l’auteur avait à lutter lorsqu’il fit pour la première fois imprimer ces lettres. J’assume toute responsabilité pour la vérité des choses que je disais, mais nullement pour la manière dont elles ont été dites. Celui qui ne s’attache qu’aux mots, trouvera aisément dans mes correspondances, à force de les éplucher, bon nombre de contradictions, de légèretés, et même un manque apparent de conviction sincère. Mais celui qui saisit l’esprit de mes paroles, y reconnaîtra partout la plus stricte unité de pensée et un attachement invariable pour la cause de l’humanité, pour les idées démocratiques de la révolution. Les difficultés locales dont je viens de parler, reposaient dans la censure, et dans une double censure; car celle qu’exerçait la rédaction de la »Gazette d’Augsbourg«, était encore plus gênante que la censure officielle des autorités bavaroises. J’étais souvent forcé de pavoiser l’esquif de ma pensée de banderoles dont les emblèmes n’étaient guère la véritable expression de mes opinions politiques ou sociales. Mais le contrebandier journaliste se souciait peu de la couleur du chiffon qui était pendu au mât de son navire, et avec lequel les vents jouaient leurs jeux volages: je ne pensais qu’à la bonne cargaison que j’avais à bord, et que je désirais introduire dans le port de l’opinion publique. Je puis me vanter d’avoir bien souvent réussi dans ces entreprises, et l’on ne doit pas me chicaner sur les moyens que j’employais parfois pour atteindre le but. Comme je connaissais les traditions de la »Gazette d’Augsbourg«, je n’ignorais
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