Sang Royal
cuisine, la reine sur le seuil, et vous, milady, derrière la reine. La reine semblait prendre congé de messire Culpeper. »
Lady Rochford émit un rire creux, forcé. « Petits nigauds ! Messire Culpeper était venu me rendre une visite tardive et c’était moi qui prenais congé de lui. La reine a entendu du bruit et est descendue voir ce qui se passait. Culpeper adore me faire des niches, le vilain garnement ! »
Cette explication était à l’évidence d’une telle absurdité que Tamasin ne prit pas la peine de réagir.
« C’était tout à fait innocent, reprit lady Rochford. Tout à fait innocent ! répéta-t-elle. Je vous préviens que quiconque soutiendra le contraire, ajouta-t-elle en haussant le ton, devra affronter l’ire du roi !
— Si le roi apprenait que sa reine avait été vue en pleine nuit dans l’embrasure d’une porte en compagnie du plus vicieux débauché de la Cour, je pense, en effet, qu’il serait furieux ! m’exclamai-je. Même si elle s’est effectuée en tout bien tout honneur, cette rencontre a fait voler en éclats toutes les règles de l’étiquette. »
La gorge blanchie de lady Rochford se souleva. Ses yeux lançaient des éclairs. « Vous êtes le bossu dont le roi s’est gaussé à Fulford. De quoi s’agit-il, monsieur l’avocat ? Cherchez-vous à vous venger de votre monarque parce qu’il s’est moqué de votre dos voûté ?
— Non, milady. Mon seul but est de protéger ces deux jeunes gens. »
Ses yeux s’étrécirent. « Les avocats manient toujours un langage abstrus. Est-ce de l’argent que vous voulez ? Souhaitez-vous qu’on achète votre silence et le leur ?
— Non, milady. Je souhaite seulement assurer leur sécurité. Et la mienne. »
Elle fronça les sourcils, l’air furieux. « Que voulez-vous dire ? Pourquoi seriez-vous tous les trois menacés ?
— C’est souvent le lot de ceux qui apprennent des secrets d’alcôve. Mon travail ici aux côtés de sir William Maleverer portant sur certaines questions de sécurité, je connais très bien ce domaine. »
Au nom de Maleverer, elle plissa les paupières, puis se força à sourire. « Il n’y a aucun secret, monsieur, répliqua-t-elle d’un ton faussement dégagé. Absolument aucun. La reine apprécie tout simplement la compagnie de ses amis de jeunesse. Ce voyage a été éprouvant pour elle… Les nombreuses réceptions officielles, les trajets interminables sur des chemins embourbés sont pénibles pour une jeune femme. Le roi ne s’opposerait certes pas à ce qu’elle rencontre ses amis de longue date, mais de peur des rumeurs, elle les voit parfois en catimini. Si cela venait à se savoir, ce serait… gênant.
— Alors, tout va pour le mieux, répondis-je d’un ton doucereux, notant avec intérêt qu’elle avait modifié son récit. Nous ne nous intéressons pas du tout aux rumeurs. Nous n’avons qu’un désir tous les trois : rentrer le plus tôt possible à Londres et oublier au plus vite cet exténuant voyage.
— Par conséquent, vous ne direz rien ? demanda lady Rochford, le ton autoritaire un rien perceptible à nouveau. Tenez-vous cois et tout se passera bien, je vous le promets.
— C’est bien là notre intention », affirma Barak, tandis que Tamasin approuvait d’un signe de tête.
Lady Rochford scruta nos visages sérieux. « Tant mieux ! s’exclama-t-elle, sa voix se faisant cassante derechef. D’ailleurs, on pourrait se demander ce que vous deux, les jeunes, vous faisiez dehors à plus d’une heure du matin. Vous, mam’selle Reedbourne, devriez être couchée depuis longtemps. Mlle Marlin vous laisse trop la bride sur le cou. Je pourrais aisément vous faire toutes les deux renvoyer du service du roi. Ne l’oubliez pas !
— Elle ne l’oubliera pas, fis-je. Au fait, milady, Mlle Marlin a-t-elle eu vent de ce qui s’est passé hier soir ? »
Lady Rochford partit d’un rire incrédule. « Cette pimbêche aigrie ! Bien sûr que non ! Personne d’autre n’en est instruit. Ni ne le sera !
— Dans ces conditions, comme vous l’avez dit, tout se passera bien. Même si, en tant qu’avocat, je dois vous avertir que je vais prendre mes précautions. »
Elle eut à nouveau l’air effrayé. « Que signifie cela ? Vous m’avez assuré n’avoir parlé à personne de cette affaire !
— En effet. Mais il se peut que je laisse certains écrits, en prévision d’une mort subite…
— Non. Ne faites
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