Sang Royal
demanda-t-elle.
— Assez bien. Tant qu’il ne s’appuie pas sur sa cheville. Il est grognon, cependant.
— Voilà qui ne m’étonne pas.
— Il m’a dit que Maleverer vous a interrogée hier soir. »
Elle eut un ricanement qui dépara ses traits charmants. « Et maintenant, c’est votre tour de me questionner sur l’interrogatoire.
— J’ai besoin de savoir ce qu’il a dit.
— Il a interrogé toutes les suivantes de la reine. Mais ni elles ni moi n’avons pu lui fournir le moindre renseignement. Jennet ne me parlait guère que de nos tâches et de son fiancé à la Tour. Et de sa vie d’antan. C’était très triste. Cette femme était une orpheline dont personne ne voulait, et messire Locke est la seule personne qui se soit jamais montrée bonne envers elle. Sa vie a été fort triste, dans l’ensemble, et elle était plus à plaindre qu’à blâmer, malgré ce qu’elle a fait.
— Ne m’en veuillez pas si j’ai du mal à compatir. »
Elle resta silencieuse.
« Et lady Rochford ? repris-je. Jack m’a dit que d’après vous elle avait l’air effrayée quand Maleverer l’a interrogée.
— Je n’ai pas assisté à l’entrevue. On m’a simplement rapporté qu’elle a crié sur lui et qu’il lui a répondu sur le même ton… Je crois qu’elle a fini par se calmer, ajouta Tamasin en baissant la voix, lorsqu’elle s’est rendu compte que l’interrogatoire n’avait rien à voir avec la reine et Culpeper. Voilà plusieurs jours que ce dernier n’a pas montré le bout de son nez, du reste.
— Vous avez pleuré ? fis-je en me tournant vers elle. Avez-vous eu peur, vous aussi ?
— Je pleure la mort de Jennet, répondit-elle en me regardant droit dans les yeux. C’est plus fort que moi. Elle était très bonne à mon égard. Elle me traitait presque comme sa fille. » Elle hésita. « Que va-t-on faire de son corps ?
— Je n’en ai aucune idée. Il sera laissé sur place et enterré à Holme sans doute. Elle a tenté de me tuer, Tamasin. »
Elle poussa un profond soupir. « Je le sais. Je n’y comprends absolument rien.
— Elle a avoué obéir aux instructions de son fiancé… Elle agissait par amour, précisai-je sèchement. Tout sentiment avait disparu, à part cet amour obsessionnel.
— Oui. Elle aimait cet homme. Cette passion la consumait. Que va-t-il advenir de lui, maintenant ?
— Il y a de fortes chances qu’il soit interrogé à ce sujet.
— Durement ?
— Oui.
— Il est difficile de croire que l’amour pousse un être à faire autant de mal.
— Voilà ce qui peut arriver quand on s’abandonne à ses émotions. »
Elle sembla intriguée. « Vous croyez vraiment cela ?
— Oui.
— Alors je vous plains, monsieur. »
Je la regardai d’un air sévère. « Vous savez, Tamasin, d’aucuns affirmeraient que votre tromperie pour attirer l’attention de Jack, le jour de notre arrivée à York, relève non pas de l’obsession, mais d’un certain manque de retenue.
— On avance dans la vie en agissant, monsieur, pas en faisant de longs discours.
— Croyez-vous ? Jouez-vous les maîtresses d’école et me traitez-vous comme votre élève ? »
Elle détourna la tête.
« Par conséquent, Jennet ne vous avait rien dit qui puisse nous aider à sonder ses intentions ?
— Non, répondit-elle, la tête toujours tournée de côté.
— Vous avez bien dû discuter avec elle de ces documents dérobés. Après que Maleverer vous a interrogées toutes les deux au Manoir du roi ?
— Pas du tout. Cela ne l’intéressait pas. En apparence, en tout cas. »
Je regardai son profil. Elle m’en voulait et je sentis renaître mon ancien agacement vis-à-vis d’elle.
Nous atteignîmes l’endroit où Giles et Barak étaient assis sur l’herbe. À notre approche, Barak leva les yeux et fit un grand signe de la main à Tamasin. « Jack ! » lança-t-elle avec ferveur en se précipitant vers lui.
36.
NOUS RESTÂMES TROIS JOURS À LECONFIELD, logés dans des tentes dressées sur la prairie de l’autre côté des douves. Le roi avait des affaires à traiter, disait-on. Les Écossais opéraient des incursions dans les villages frontaliers, preuve évidente que Jacques ne s’intéressait pas à un rapprochement avec l’Angleterre. Le renforcement des ouvrages de défense à Hull n’était peut-être pas une mauvaise idée, après tout.
Les participants du voyage n’avaient pas le droit de sortir des
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