Sang Royal
monastère ou à tout autre lieu.
« Salut, mon ami ! lui lançai-je. Tout est fin prêt ?
— Ah, Shardlake et le jeune Barak ! » Il nous regarda d’un air un peu gêné, me sembla-t-il. « Seigneur Dieu, tu as un énorme bleu…
— En effet. Bien que ce soit mon cou qui me fasse mal.
— Je suis désolé de ce qui t’est arrivé. Connaît-on le coupable ?
— Pas encore. Comment va ton travail ?
— C’est un vrai cauchemar, soupira-t-il. Je suis debout depuis trois heures du matin pour mettre la touche finale à tout ce qui doit être prêt avant demain. Messire Dereham, le secrétaire de la reine, affirme qu’il a droit à un logement dans la meilleure auberge d’York. » Il sortit un document de son écritoire et le brandit. « Il s’avère que ce n’est pas le cas, ce qui va entraîner moult récriminations.
— Messire Dereham ? Un grand freluquet en vêtements criards ? On l’a aperçu hier.
— C’est un voyou, mais un ami d’enfance de la reine qu’elle a connu jadis à Horsham. Elle a voulu qu’il soit son secrétaire. Et les désirs de la reine sont des ordres.
— Tu n’as pas l’air d’accord. »
Il haussa les épaules. « La reine Catherine est une petite écervelée. Elle est trop jeune et trop nigaude, à mon avis, pour la haute position qu’elle occupe. Elle est assez gentille, mais elle ne s’intéresse qu’aux toilettes et aux bijoux. Le roi, en revanche, est fou amoureux d’elle.
— Tu l’as déjà rencontrée ?
— Je l’ai juste aperçue.
— On dit que le clan des conservateurs en matière de religion plaçait de grands espoirs en son mariage avec le roi mais qu’ils sont déçus à présent. »
Il hocha la tête. « Contrairement à Jeanne Seymour, elle n’est pas femme à chuchoter à l’oreille du roi que les anciennes pratiques étaient bien meilleures. C’est le bruit qui court, en tout cas… », conclut-il, craignant peut-être d’en avoir trop dit.
« Vous lui faites confiance ? demanda Barak pendant que nous traversions la salle.
— Ici, je n’ai pas le sentiment de pouvoir faire confiance à quiconque. »
Sous le porche, une rafale de vent chargée de pluie nous heurta de plein fouet. Dans la cour régnait un tohu-bohu de tous les diables. La bourrasque avait renversé l’une des trois tentes. Un amas de magnifiques toiles tissées de feuille d’or était malmené par le vent, les tapis et les beaux rideaux en damas se retrouvant désormais exposés aux éléments. Des ouvriers s’efforçaient désespérément de soulever la toile, tandis qu’un jeune homme, sans doute Lucas Horenbout, le décorateur du roi, contemplait la scène en vociférant. Son exaspération atteignit son comble au moment où, en marchant sur une tapisserie d’une immense valeur, un manœuvre y laissa une empreinte boueuse.
Nous trouvâmes le sergent Leacon dans sa guérite. Une fois de plus, je fus impressionné par l’efficacité du jeune sous-officier, qui ordonna qu’on forme un détachement de soldats et qu’on aille chercher un chariot. Pendant qu’il organisait les opérations, Barak et moi attendîmes dans le corps de garde et regardâmes les manœuvres ramasser la toile de tente et l’emporter pour la faire nettoyer.
« Maleverer me cause du souci, déclara Barak. Il ne nous aime pas, il est impitoyable et jouit de puissants soutiens. C’est le genre à se défausser sur nous si ça tourne mal.
— C’est vrai. Tu as raison… » L’arrivée du sergent Leacon me fit taire. Il passa la main dans ses cheveux blonds bouclés que la pluie avait plaqués sur son front.
« On est allés chercher tout ce qu’il faut. Maître Barak pourrait-il aider à ramener le chariot ? Il y a beaucoup de boue près de l’entrepôt. »
Barak acquiesça d’un signe de tête. Le sergent lui expliqua comment se rendre sur les lieux, et Barak partit sous la pluie d’un pas assez guilleret. Je souris à Leacon. « Eh bien, sergent, il semble que les missions que nous confie sir William nous mettent constamment en présence. Vous devez assurer la sécurité de Broderick.
— Cela me changera du travail de sentinelle, monsieur.
— De quelle partie du Kent venez-vous ? demandai-je pour faire la conversation.
— De Waltham. Mais ma famille est originaire du Leacon, à quelques milles de là.
— D’où votre nom, n’est-ce pas ? J’ai lu qu’après la Grande Peste beaucoup de gens sont partis s’établir
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