Sarah
colère.
Tsout-Phénath répliqua avec un rire plein
de morgue :
— Pharaon sait tout. Il s’approcha de
Saraï.
— Est-ce vrai ? Es-tu la sœur de
celui qui se nomme Abram ?
— Oui, assura-t-elle sans hésiter.
Tsout-Phénath la considéra encore un instant. Son regard était si aigu, si
insistant, que Saraï eut l’impression que sa tunique ne la couvrait plus. Il se
retourna enfin vers Abram et annonça :
— Nous allons prendre l’une de vos
caisses à mules. Pharaon veut voir cela aussi. Ainsi, ta sœur n’aura pas à
marcher. Pour les autres, donne-leur un chef pendant ton absence. Nous allons
les accompagner là où ils pourront dresser leurs tentes et faire paître ton
troupeau en attendant que Pharaon décide de votre sort.
La terre et le grain
Drapée dans une toge verte, un collier de
pierres rouges glissé entre ses seins, la femme qui s’avança vers Saraï avait
la peau sombre et les dents d’une blancheur de lait. Sa beauté semblait faire
écho à la beauté de Saraï. Elle s’inclina profondément :
— Mon nom est Hagar. Tant que tu seras
dans ces murs, considère-moi comme ta servante.
Elle se redressa, frappa dans ses mains,
faisant surgir une dizaine de très jeunes filles. Les unes portaient des
linges, d’autres des coupes de parfum, des pots d’onguent, des peignes, des
coffrets.
— Ta route a dû être longue et épuisante,
expliqua Hagar. Nous t’avons préparé un bain. Si tu veux me suivre…
Elle tournait déjà le dos, quittant la
terrasse. Saraï s’avança, docile, subjuguée, suivie par les jeunes filles.
Assurément, la route avait été longue et
épuisante. Il leur avait fallu traverser six bras du Nil et s’enfoncer loin
dans les terres opulentes d’Égypte avant de parvenir jusqu’au palais de
Pharaon, à Neni-Nepsou. Séparée d’Abram tout le temps de ce trajet, Saraï
s’était laissé envahir par l’imagination de la férocité de Pharaon et les
humiliations qu’elle allait devoir endurer. Elle qui était désormais la sœur
d’Abram !
En vérité, tout au long du chemin, son
ressentiment envers Abram n’avait cessé de grandir. Cette décision, qu’elle
avait acceptée, n’était plus, alors que l’officier de Pharaon Tsout-Phénath la
tenait sans cesse sous son regard, que menace, solitude et abandon.
Puis colère et crainte s’évanouirent à la
seule apparition des murs de Neni-Nepsou. Tout ici était splendeur, opulence et
douceur. Le palais était immense, élégant malgré sa taille. Ses murs
éblouissants de blancheur soutenaient des cascades de fleurs pourpres,
formaient un assemblage somptueux de terrasses, colonnades de pierre, de bois
peints et dorés que reliaient d’innombrables escaliers.
Dans l’ombre apaisante des salles dallées
de pierres lisses, les murs étaient peints d’images inouïes. Les alcôves
débordaient de sculptures, de tissus, de meubles marquetés d’or et d’argent. Et
où que l’on porte le regard depuis les terrasses, on n’apercevait que jardins,
bassins et canaux. Les bassins étaient si vastes que des barques y naviguaient.
De hautes palissades de pieux retenaient les animaux les plus étranges :
éléphants, lions, singes, tigres, gazelles ou girafes, et ceux, encore plus
laids, que l’on appelait ici des chameaux.
En vérité, Saraï n’avait jamais rien vu de
pareil. Pas même les plus splendides palais d’Ur, dont elle chérissait tant le
souvenir, ne pouvaient soutenir la comparaison avec cette richesse. L’accueil
même qu’on venait de lui faire, l’introduisant jusqu’au cœur du palais,
semblait appartenir au rêve.
La servante Hagar s’approcha d’une porte
aux ferrures de bronze gardée par deux soldats en pagne et cape à feuillage
d’argent. Hagar agita la main. Les soldats glissèrent sur le côté, ouvrirent la
porte. Saraï suivit la servante dans une salle haute, pleine de lumière.
Un parfum étrange, mielleux et âcre,
parvint à ses narines avant qu’elle découvre la longue piscine entourées de
colonnades. La piscine ne contenait pas d’eau, mais du lait d’ânesse.
Hagar vit la surprise de Saraï. Elle
sourit, amusée.
— Rien n’est meilleur pour notre peau.
Le lait d’ânesse ajouté de miel nettoie la fatigue et les mauvais souvenirs. Il
conserve la beauté mieux qu’aucun autre onguent. Bien que l’on dise que tu n’en
as pas besoin, Pharaon lui-même a ordonné que l’on prépare ce bain pour toi.
Saraï voulut poser
Weitere Kostenlose Bücher