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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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serait le coup de grâce. Je la laisse rentrer.
    N’en fallait pas plus à mon petit bonhomme si solitaire depuis des mois. Je le regarde se raidir en lâchant son eau au-dessus de la cuvette. Il se met à y croire comme si c’était fait. Je ne peux quand même pas aller frapper à sa porte. Sous quel prétexte. Lui demander si elle n’a pas un bouquin à me prêter, en voisins. Si elle marchait ? Elle s’emmerde peut-être, elle aussi, par ce temps lugubre. L’occasion fait le larron. Allons, allons, oncle Jonathan, l’idée du bouquin n’est pas si mauvaise en soi. Il se peut que ça colle à merveille. Elle doit être nouvelle dans l’hôtel. Jamais rencontrée. Un gabarit de cette espèce n’aurait certes pu échapper à mon œil perçant.
    Et voyez s’il ne s’agit pas proprement d’un chapitre de conte de fées, lorsque le jeune prince Englebert trouve sur la mousse, encore constellée de rosée matinale, la belle inconnue aux pâles couleurs de lis sommeillant dans la clairière, veillée par ses amies les bêtes de la forêt qui font cercle autour d’elle – les lieux, les circonstances et mes origines mis à part, le rapprochement est saisissant. Elle a laissé sa porte entrouverte. Par mégarde, je suppose. Ou à cause de la chaleur. Oh ! dis, grand-papa, raconte-moi encore l’histoire de la belle sultane. Petite poule de mon cœur. Je me sens frétiller comme une jeune ablette ainsi qu’aux plus beaux jours. Une liqueur de feu qui me descend dans les veines. Je pousse doucement la porte. Elle est assise sur son lit. Une cigarette à la main. Elle lève la tête. Nous nous regardons. Elle sourit comme en admettant un fait inéluctable qu’elle aurait elle-même agencé. Elle écrase sa cigarette pendant que je referme derrière moi.
    Rien. Pas un mot. Nous nous allongeons mollement. Un de mes ongles s’accroche au tissu du peignoir. Elle gobe, me boit les lèvres, bouche grande ouverte. Sa peau un peu moite. Les cuisses pleines, tendues, muscle animal torsadé par la caresse. Elle me presse contre elle, elle m’enveloppe, me ferme dans des gestes circulaires, des gestes souples, atteints d’une étrange lenteur, d’une étrange indolence, comme si elle avait peine à se mouvoir. Capture des tentacules veloutés. Je m’appesantis sur elle, corps de moleskine, opulent, généreux, qui s’évase pour me faire place, me recevoir et m’absorber. Nous descendons ensemble dans les basses profondeurs des cryptes matelassées du silence. Elle ne se déplace que lentement, écarte lentement ses jambes, sirène échouée, se déplie comme une fleur de serre, enroule sa langue et fléchit son ventre sous ma main avec la langueur d’une anesthésiée. Ses paupières larges sont durement fermées, rabattues comme celles d’une morte. Elle exhale un parfum lourd, un parfum noir, arôme de santal, son corps entier est parfumé, bistre. Je me détache d’elle pour la regarder, femme nue posée sur l’étoffe du peignoir. Elle se laisse contempler, sans un mouvement, ses lèvres ne se sont pas refermées. Elle est d’une ampleur charnelle bouleversante, statue païenne de l’offrande, ses seins alourdis s’inclinent de chaque côté de la poitrine, le ventre étale, orbe d’ivoire. Subitement un désir aigu me prend de cette femme. Entrer et me liquéfier au-dedans d’elle. M’y égarer. M’y éteindre. Elle me couvre de ses bras, me calfeutre, large étreinte maternelle. Nous sommes boutés l’un à l’autre. Encochés. Arme dans l’entaille. Je m’enfonce et elle s’enfonce dans mon corps, transfuge de vie, nous nous dissolvons, elle m’accouche et je tenaille ses chairs, parturients, c’est mon sexe qu’elle pousse en moi, c’est par son sexe que je la reçois, nous sommes portés sur la haute vague, les mers battantes nous brisent et nous caressent, grève coralline de l’entonnoir nuptial, elle m’aspire, rampante, elle me tracte de ses mille bouches venimeuses. Comme s’il ne pouvait en être autrement, notre jouissance se déclenche à la même seconde. Pulpe chaude qui coule d’elle sur nos cuisses, s’arrache de moi, me parcourt, m’égratigne et va jaillir, éclabousser loin en elle. Elle a un cri de déchirement, bref, rauque. Nous retombons, essoufflés, ma tête sur son épaule, joints, ligotés. Inertes.
    Ce n’est qu’après un long moment que je trouve la force de remuer, un bras ankylosé sous sa taille.
    Elle a les yeux ouverts. J’aimerais avoir une

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