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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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chaise de la chambre au lieu de le porter dans la panière, cette enfant a le vice dans le corps, combien de fois faudra-t-il lui répéter qu’elle doit elle-même s’occuper de ses affaires, la gosse part en grognant, Gaubert tourne le bouton de la radio, il voudrait pouvoir écouter le bulletin d’informations, sa femme l’appelle, n’a-t-elle pas laissé sa montre quelque part dans la cuisine, elle a dû la poser sur la table, non, pardon, elle était derrière la lampe sur la table de nuit, Gaubert se réinstalle auprès de la radio où la voix de Simone vient le harponner entre deux nouvelles du dernier raz de marée qui a dévasté les côtes nippones, est-il allé vérifier le chauffe-eau, mais oui, c’est fait, il était éteint, et quand, quand se décidera-t-il à passer enfin chez le gérant pour lui parler de l’humidité du mur qui fait cloquer la tapisserie dans l’angle de la fenêtre de la chambre, on ne va pas supporter ça encore tout un hiver, ils doivent soi-disant envoyer les ouvriers, mais personne ne bougera tant qu’on n’aura pas relancé le gérant qui y met manifestement de la mauvaise volonté, ça y est, elle est prête, dépêchons-nous, vêtue de frais, à quatre épingles, le tailleur des dimanches, talons hauts, pas un grain de poussière, elle embrasse Gaubert sur les deux joues, a-t-elle assez d’argent, oui, elle achètera un gâteau, ou bien aimerions-nous mieux des fruits, il reste encore des pommes et des noix, Nadine s’appuie contre le chambranle de la porte, une trouvaille pour ternir sa robe, tourne-toi, époussetage de la main, passe devant, prends les clefs, ne tords pas les pieds comme ça, je te l’ai dit cent fois, deux tranches de pâté en croûte chacun suffiront, c’est entendu, elle passera chez Desmortières, au revoir, à tout à l’heure.
    Nous les escortons jusqu’à la porte. Nadine m’envoie un radieux sourire.
    Ordinairement, les femmes parties, Gaubert et moi, nous nous faisons réchauffer une tasse de café. Autour de laquelle, prenant notre temps comme des célibataires, nous perdons une petite heure à converser amicalement.
    L’embarras, ce jour-là, nous laisse plantés, l’espace d’une minute, devant la porte qu’il vient de refermer. Je vois mon lit défait au fond du couloir. Mes livres en piles sur la table. Ce recoin qu’on m’a abandonné va avec ma façon de concevoir l’écriture. Le divan, la table, la chaise, la lampe, les bouquins – et le Christ de Dali, ne l’oublions pas ! Nid exigu où tout ce dont on a besoin pour travailler ou se reposer tour à tour s’offre en permanence dans votre entourage immédiat. Les choses sont amoureusement tassées, rapprochées entre elles. Me rappelle la photo d’un des cabinets de Dostoïevsky. Celui de Pétersbourg, je crois. Somme toute, l’endroit idéal pour affronter le chef-d’œuvre. Quand vais-je m’y mettre ?
    Soudain, je ne sais comment, la modification s’opère. Un accès de fraternité qui s’empare de nous deux au même instant. Nos regards se trouvent face à face. Se lient. Je voudrais lui dire quelques mots qui traduiraient ce que je suis en train de ressentir. Je ne trouve rien. Nous faisons demi-tour vers la cuisine. Sensibles comme deux pucelles séquestrées, m’est avis !
    C’est lui qui allume le gaz sous la casserole de café.
    Pour conclure, disons que Dieu m’avait en sympathie. (Et l’attelage Gaubert la vocation de l’amitié conciliante.)
    Toutefois, dans la période qui suivit, je crus devoir manœuvrer avec prudence. Spécialement vis-à-vis de Simone. Me faire un peu oublier. Dans l’ensemble, je n’avais pas eu à me plaindre d’elle, ce n’est pas ce que je veux dire. Mêmes prévenances, même gentillesse égale, le caractère que je lui connaissais depuis le début. Mais avec quelque chose en moins. La cote avait baissé en Bourse, voilà ce qu’il en était. Pourtant, soucieux de ne pas laisser sombrer l’histoire sur une triste impression, je m’étais tout de suite mis en quête de quelque monnaie, dont Sicelli avait fait les frais, pour offrir à la gosse un jouet qu’accompagnait, dans un but tactique, un modeste bouquet de fleurs destiné à sa mère, acheté comme par hasard dans la rue au marchand des quatre-saisons sous le prétexte que je n’avais pu résister en passant à l’astucieux assemblage de ces coloris chatoyants. Pour cousue de fil blanc qu’ait été ma ruse, elle fut prise en bonne part et

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