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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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cuisine où nous avions coutume de déjeuner tous ensemble le dimanche matin, j’avais retardé le moment de me lever. L’œil sur la fenêtre, du fond de mon lit, je spéculais sur mes chances probables.
    La radio roucoulait déjà plein tube depuis pas mal de temps, me semblait-il, signe annonciateur que la maison était en marche selon le rituel dominical.
    Endossant mes fringues, je repassai mentalement toutes les formules d’excuses et de contritions incluses dans mon vocabulaire. Devais-je ou non attendre que quelqu’un fît allusion à la discorde de la veille pour sauter sur l’occasion de me confondre en regrets, alléguant un instant de nervosité que j’étais certes le premier à déplorer ?
    Gaubert qui beurre minutieusement une rondelle de pain du plat de la lame de son couteau tout en adressant une réprimande à la gosse qui a renversé du café au lait sur la table. Simone, le dos tourné, est occupée devant la cuisinière. C’est Nadine qui me voit la première et signale ma présence. Gaubert, souriant à demi, le regard un peu fuyant, me fait signe de m’asseoir, me tend la main. Mon bol est encore vide. La cafetière à la main, Simone vient me servir. Le bonjour que nous échangeons, légèrement mêlé d’amertume, n’en demeure pas moins assez engageant. Gaubert me fait passer l’assiette des tartines. L’odeur du café qui semble se mélanger au poudrage de soleil tapissant la blancheur des murs et la disposition rectiligne du mobilier moderne de cette cuisine créent un climat heureux, net, propre, clair. On est bien. Et l’appétit vous vient, non pas tellement de l’estomac, mais plutôt d’un enchantement de l’âme engendrant le besoin de mordre dans des choses aussi bonnes que le pain et le beurre.
    Simone s’est assise à côté de moi, à ma droite. Nous nous touchons presque autour de la table étroite. Les retrouvailles que je redoutais se sont passées dans une cordialité proche de la normale. Laisse bien présager de la suite. Pour l’instant, la petite fait diversion en me criblant de questions parce que ici personne d’autre que moi n’a la patience de toujours lui répondre, quelle que soit sa curiosité et même si parfois ses demandes enchevêtrées doivent me contraindre à lui confesser ma propre ignorance.
    La dernière goutte de café avalée, les miettes de pain groupées à côté de la soucoupe pour faciliter le travail de Simone, les serviettes glissées en cylindres floches dans leurs ronds de couleur, Nadine quitte la table, pressée par sa mère en direction du cabinet de toilette. C’est le bain du dimanche qui ne va jamais peu ou prou sans criailleries, simulacre de larmes, menaces de punition, suivis ordinairement par quelques minutes d’extrême précipitation auxquelles nous sommes mêlés malgré nous quand Simone crie à son mari, depuis la chambre où elle achève de se préparer, de veiller à ce que Nadine, amidonnée des pieds à la tête, ne trouve pas le moyen de se salir, a-t-elle pris son livre de messe et son chapelet, où sont ses gants, dans le deuxième tiroir de la commode, quel temps fait-il, aura-t-elle assez chaud à l’église avec sa robe, qu’elle aille chercher sa veste de laine jaune, celle avec le col, sans mettre toute la commode en l’air comme d’habitude, Gaubert ne voudrait-il pas aller voir dans le cabinet de toilette, on a dû laisser le chauffe-eau allumé, nous allons être en retard, on dirait que la gosse le fait exprès, à lambiner tant et plus, au lieu de se laver rapidement, dimanche prochain elle se lèvera une demi-heure plus tôt, ça lui apprendra, où est-elle, dans l’entrée, elle est allée chercher sa veste, alors qu’elle prenne un mouchoir propre, il faut penser à tout pour elle, il reste du poulet froid, avec une salade ça ira, en sortant de la messe elle achètera un peu de charcuterie, des aspics et quelques bricoles, des cornets de jambon ou des tranches de pâté en croûte, ça les retardera un peu ; chez Savignat, le pâté en croûte n’est pas bon, on en a pris plusieurs fois, on n’a pas pu le manger, elle fera un saut jusque chez Desmortières, ce n’est pas sur le chemin, on mangera un peu plus tard, tant pis, si en leur absence quelqu’un voulait ranger la vaisselle qui est sur l’égouttoir, elle est essuyée, Gaubert s’en chargera, une exclamation, qu’on lui envoie Nadine immédiatement, le petit chameau, elle a fourré son linge sale en boule sur la

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