Septentrion
tampons de coton mensuels. Confondues dans ce magma, les créatures vivantes se télescopent, fébriles, à des toises de profondeur dans leur nuit impénétrable qui se referme, molle, sur des âmes désemparées. Lieux diffus de la cruauté. Rien de ce qui se produit au courant des jours n’effleure l’écorce de ce monde prostré enfoui au plus sombre d’un sommeil atroce entrecoupé seulement à intervalles par les sursauts fulgurants du réveil sexuel. Le sexe, enfoncé comme une épine empoisonnée partout où la vie se manifeste. Nœud de fusion des relations humaines. Les échanges ont lieu sans qu’il y paraisse au-dessus d’un volcan assourdi alimenté par la notion toujours présente d’un formidable rut collectif au cours duquel tout serait enfin permis, dénoué, le rêve des possessions impossibles comblé dans l’instant même, rassasié avec des corps intacts, pris de force, au hasard. Mâles et femelles replongés dans leur sauvage réalité première devant la seule évidence de leurs sexes. Tout se résout par la nutrition et par le meurtre. Chaque contact est comme une tentative de vivisection à froid et sous-entend la mutilation d’une part de soi. Au fond de cette cohue nerveuse, dévorer sa proie pendant l’amour n’a ni plus ni moins d’importance que chercher à dissocier l’esprit de la matière. Si le climat n’est pas aux hémorragies soudaines, vous pouvez verrouiller la porte de la chambre derrière vous et donner à la patiente un mouchoir à mordre. Fœtus, votre jeune fils, coulera gentiment comme si de rien n’était dans la serviette éponge, ses yeux encore éteints et ses petites pattes fluettes repliées, collées à son corps marbré, comme dessinées, gravées à la pointe sèche dans une pâte humide. Déjà, pas un ongle ne manque. Le petit sexe est en place, incrusté sur le ventre. Reste à plier le tout dans la page de dernière heure de la dernière édition du soir, à le jeter dans la cuvette et à tirer la chasse. Onction et baptême du pur néant. Vies parcheminées. Chair et poussière de chair. Fleuve de limon où surnagent sans fin une multitude de cadavres informes de la grosseur impensable du spermatozoïde humain. Univers strictement prisonnier entre les parois opaques d’un ovaire grand format. La seule chose à jamais introuvable dans cet ovaire cosmique, c’est une preuve ou une issue. Inutile de tenter quoi que ce soit pour enrayer la frénésie générale. Le bureau les attend. Les attendent l’usine, le foyer, la maîtresse, le bordel, l’église, le médecin, les urines en bouteille, le repos bien gagné, les pompes funèbres et l’effigie de cire du Créateur impassible qui se veut irresponsable d’un tel chaos et, à cet effet, a troqué son œil de lynx contre une paire de bésicles de la plus inoffensive apparence. Ainsi affublé de verres doubles, Dieu est partout, même dans le trou à la turque si vous y regardez à deux fois. Infiniment rassurant de se dire que la présence paternelle ne nous fera jamais défaut. La foule enfantine caracole, le cœur chassieux. Il faut être fou ou aveugle pour prétendre l’éveiller, fût-ce à force de bombes incendiaires. Longue agonie hébétée. La vie, c’est pour plus tard, en projet, demain, dimanche, pour le jour de la retraite dans le jardinet de la maisonnette durement économisée. Ils vont sûrement se mettre à vivre tout de suite après que leur vie sera assurée. C’est merveille de voir comment, en plein malentendu, chacun peine avec application pour creuser son minuscule abri personnel où il est destiné à être enlisé vivant aussitôt la niche fignolée. Si ensuite, pris de peur ou de nostalgie, il venait à quelqu’un l’idée saugrenue d’entr’apercevoir la lumière d’en haut, c’est le moment où il se rend compte que la niche est si admirablement étanche autour de lui qu’il lui faudrait employer tout le temps d’une seconde existence pour remonter à l’air libre. Se doutent-ils qu’il y a une divinisation de la réalité, et que si l’on parvient à l’atteindre, alors se révèle le point fixe de l’immortalité heureuse ?
Me démerde comme un plouc, parole !
Des kilomètres dans les pattes depuis hier matin. Pas fermé l’œil, les yeux qui brûlent, les pieds enflés, la tête balourde de sommeil, l’argent a fondu malgré le régime sévère, un seul sandwich dans la journée et une chambre d’hôtel dans une rue à putains quand il se
Weitere Kostenlose Bücher