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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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son mariage récent, l’appartement bien situé, comme si je m’étais levé en pleine nuit exprès pour venir le féliciter. Me répond froid, élude, phrases brèves, mal embouché, pas liant. Il se lève, fait trois ou quatre fois le tour de la pièce pendant que je continue de le harceler de questions sur sa nouvelle vie, revient poser une fesse sur sa chaise, impatienté. Accueil tempéré, pour le moins.
    Je commence à pressentir qu’il ne sera peut-être pas aussi facile que je le supposais de m’installer chez lui pour quelques jours. Ce petit trouduc avec son appartement et toute la quincaillerie qui l’entoure aurait-il le culot de me refuser l’hospitalité ? Parions que sa femme a dû lui recommander de m’expédier en vitesse. À l’heure qu’il est, ils seront quand même bien obliges de me garder au moins pour la nuit. D’ailleurs, voici la maîtresse de maison qui fait son entrée. Pincée. Fumiasse. Me dit bonsoir du bout des lèvres. M’examine. Jusqu’à la pointe des souliers. Bilan désastreux à son goût. Se renfrogne, terrible. Je sens que ça ne va pas être commode. Une question leur brûle les lèvres à tous deux. Qu’est-ce que je peux bien venir foutre chez eux au milieu de la nuit ? Il me semble que c’est le moment de foncer tête baissée. Négligeant les détails, je brosse un tableau de la situation, l’usine en chômage, plus d’un mois que je ne travaille pas. (La vérité vraie est tout autre, est-il besoin de le souligner.) Par voie de conséquence, je n’ai plus un sou vaillant et, partant, plus d’hôtel où coucher.
    Glacés. L’un et l’autre. En arrêt sur leur chaise. Fixes comme s’ils sortaient de l’amidon. Il y a un silence. Desmarchy n’ose plus me regarder en face. Enfin, sur un signe de tête de sa femme, il prend la parole. Pour me dire, circonlocutions à l’appui, qu’ils ne s’attendaient pas à pareille démarche de ma part, que je les prends au dépourvu ; si ce n’est que l’affaire d’une nuit, évidemment, on pourra toujours se débrouiller ; sa femme fait remarquer que les draps ne sont pas revenus du lavage, mais pour une nuit je me passerai bien de draps, que je n’aille pas croire pourtant, qu’ils sont heureux de me venir en aide, d’ailleurs ma situation se rétablira certainement plus vite que je ne le pense ; c’est elle surtout qui insiste, met toute la gomme ; je l’entends me dire qu’il faut tout de suite prendre le taureau par les cornes, énergiquement. Pas une goutte de sympathie sur le visage de cette putasse. Elle est grande. Elle est maigre. Les cheveux secs. Elle a un grain noir au-dessus de la lèvre. Arrivée au bout de sa morale, elle disparaît pour aller me chercher une couverture.
    Ça l’ennuie, Desmarchy, de se retrouver seul avec moi. Il n’est pas sans avoir remarqué ma déception. Vient me taper sur l’épaule. On a besoin de magasiniers dans la boîte où il travaille. Il pourra demander. Il voudrait bien que sa femme revienne vite. Avec elle, il se sent en sécurité. Elle a la manière. Entre hommes, c’est délicat. Atterré. On dirait que c’est lui maintenant qui ne sait plus où coucher. Il esquisse un pâle sourire. Sa gueule pauvrette. Je me demande s’il est beaucoup plus âgé que moi. Il a un tic qui lui plisse l’œil gauche.
    La revoilà. Elle traverse la pièce. Pas un mot. Ne regarde personne. Elle va droit au divan et l’arrange en quelques minutes avec des gestes précis. Ça y est. Je peux me coucher. Si j’ai besoin, c’est tout de suite à droite dans le couloir. La voix rogue. Procéderait pas autrement pour les préparatifs d’une mise en bière. Bonne nuit. Ils vont se recoucher, il est tard. Je le rattrape tout de même par le bras, discrètement, au moment où il allait refermer la porte sur lui, ne quittant pas sa guenon d’une semelle. Deux mots rapides. Pourrait-il m’avancer un peu de fric ? Il rougit, s’embarrasse, meurt de peur qu’elle ne nous entende, il me dit : bien sûr, bien sûr, qu’il me donnera ça demain matin, entre nous, que sa femme n’en sache rien, il préférerait. Moi aussi, sans quoi je risque de m’en aller les poches vides.
    C’est dans le couloir, le lendemain, en sortant des cabinets, qu’il me glisse furtivement un billet plié dans la main. Personne ne me demande si je veux faire un brin de toilette. Le café est servi dans la cuisine. Une petite tasse. Rien à bouffer avec. Probable que les tartines feront

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