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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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offrant. Foutez-moi la Sainte Eucharistie aux chiottes, passez votre or à la casse, faites-en de la belle et bonne pistraille sonnante que vous répandrez en aumônes ; si l’on vous croit déments, laissez dire, qu’on vous cloue en potence, ça réveillera la foi somnolente, c’est ça qui nous manque : l’amour absolu, un Golgotha tout frais sur la place publique, à côté du feu rouge. Vous aimez trop le presbytère.
    Ma godasse droite me blesse le petit orteil, ça a dû enlever la peau ou alors une ampoule. Si je me déchausse, j’aurai dix fois plus mal en la remettant. Pépie terrible, la langue sèche. On a beau être dans le modernisme, bernique pour pinter à l’œil. Mettre un bout de coton entre la chaussette et la peau, ça amortirait. À chaque pas, la cuisson s’accentue, je suis sûr que ça saigne. Putain de chaleur qui tombe à pic. En nage. Le velours me colle aux cuisses. Je pèse des tonnes. Le sommeil grésille derrière les yeux, mais dès ce soir je serai casé et, comme dit la sagesse populaire, demain il fera jour. Un bon bain de pieds, il n’y paraîtra plus, toujours vaillant, fils de mon père l’itinérant, nous arrivons dans cet équipage, émigrants héréditaires, des rudes massifs au-delà de Semmering. Piétons, bagnoles, cohue boursouflée, ça défile, défile, croise, croise, coupe, pousse, enjambe, faufile, démarre, embouteille. J’entends avec une acuité spéciale, remous, cette vague de pas autour de moi, tintamarre des moteurs étourdissant, ça gronde, tout le bruit chaotique résorbé en entier dans ma tête. La ville trafiquante logée dans mes tempes trépide, carambole, jamais un répit, des roues, des pneus, ça bobine à la file, au ras de la rue, saoulant. Je commence à voir aigre. Vide profond dans le ventre. L’estomac, tube creux. Je n’ai pourtant pas faim. Pâteux. J’avance automatiquement. Mes jambes avancent. Je cherche l’ombre. Ils sont tous en vêtements d’été ; moi, dans mon velours épais, et si ça se trouve, cet hiver, j’aurai de l’alpaga. J’avale les rues à la suite. S’enchaînent comme dans le labyrinthe. Ce serait pourtant original d’avoir conçu une rue qui finirait sur le vide en plein espace à un endroit de la courbe terrestre, un dernier feu de signalisation, un flic ultime et puis plus rien. Le fluide, éther cotonneux. Dieu quelque part dans cette bouillasse. Une chance sur mille de mettre la main dessus.
    Cinés. À la pelle. Complètement oublié qu’il y avait aussi les cinémas, la femme et l’homme bouche à bouche sur l’affiche, deux heures d’amour, d’extase, d’intrigue. Du cul. Véniel, bien emballé et séraphique, rien que des filles éblouissantes, des étalons, on chie jamais pas plus qu’on pisse, on digère bien, on est logé dans les palaces, dans les châteaux, les belles colombes se la coulent douce en chauds visons, leurs garde-robes pleines à craquer, toujours coiffées, les ongles fins, biches fragiles, on ne les voit pas avoir leurs ours, c’est trop vulgaire ; quant aux maris ou aux amants, toujours en forme, pas fatigués, même en principe ça ne bosse jamais, ça gâcherait le film, ce serait trop court pour leurs amours, pour leurs passions, dans la vraie vie, il n’y a rien, une maladie, un accouchement, un décès de vieux dans la famille, la marmaille qui a la colique, un affolement de quelques jours pour les règles qui ne se décident pas, routine, on vieillit, autour de la table les fêtes légales mettent un peu de joie, fugues du printemps, des primes beaux jours, les grandes vacances, ça ne change guère, toutes les mêmes gueules du même quartier pendant vingt ans, trente ans, cent berges, la vie bien ponctuée par les dimanches, le jour de lessive, les confitures, la note du gaz, la fin des mois, sur un écran ce serait morose, ce qui fait recette, c’est l’indicible, c’est l’ineffable, le parangon, romantico, l’amnésie molle, picrate, gonzesses, ciné, des jeux, des stades, de l’idéal, de fortes idoles, vedettes, champions, politiciens, un homme d’affaires, une femme de tête, des réussites, le couple princier ou un Schweitzer, qu’ils sachent à quoi s’identifier, sur les photos un lot de pouliches en tenues légères, divines, roulées, des blondes, des brunes, des bouches à pipe, les yeux salauds, le vice dans le corps, on peut regarder, mais pas toucher, c’est ça l’astuce, on s’imagine belles comme elles sont, pas

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