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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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l’accordéon, quand le premier singe venu décide qu’il m’a assez vu et me fait lourder par son état-major, quand un taulier à putains me menace de lancer la police à mes trousses pour une peccadille de quelques milliers de francs en retard, quand j’avais choisi le pire des gagne-pain et qu’un gérant de restaurant me chassait d’un coup de pied au cul, attrapant mes journaux et les jetant pêle-mêle sur le trottoir, plus loin encore dans le temps, quand j’avais tout juste mes quatorze ans révolus et qu’un atelier entier se tenait les côtes de rire en me voyant vaciller sous le poids d’une caisse de matériel que le contremaître s’était amusé à me charger sur les épaules. Ce que j’ai à dire ressemble étrangement au sang des morts de l’injustice, et peut-être n’est-ce rien que nourriture, sexe et échange d’amour, à l’infini, à l’infini, écrit sur le plasma laiteux du monde fait chair, sur le maître-autel, l’hostie, la chasuble, le calice, sur le bois rugueux de la croix, nourriture, sexe, amour, de bouche à oreille, de bouche à bouche, peau contre peau dans la chaleur de la vie, quitte à commencer le récit par la fin ou au beau milieu d’un coït difficile, pourvu que cela ressemble à un orgasme, une diarrhée paludéenne, coup de cisailles dans le tablier de protection. Arrachons les grilles, les barreaux, les garde-fous, que mes congénères ombilics se retrouvent le cul dans l’infusoire à se trémousser au fond de leur société macabre qu’ils prétendent replâtrer chaque matin au saut du lit alors qu’une armée de colosses ne viendrait pas à bout d’une seule de ces fissures mortelles qui crèvent la muraille, qu’ils aillent se retremper tous dans la poche de pus, humer de près l’infection chronique. Ce que je dis gicle de mes entrailles cancéreuses, autopsie du cadavre exsangue, ce que je dis, ce que je dis, Dieu me le souffle à mesure, cri et chant de détresse qui tiendrait en entier dans un crachat de vitriol, crachat de chairs muqueuses arraché dans un dernier hoquet d’impuissance aux poumons caverneux du globe bacillaire, crachat de sulfure et de pisse croupie, crachat du monde coxalgique gémissant dans la gélatine blanche de son cauchemar volumineux. Dieu crache en permanence par ma bouche profane et il en sera ainsi jusqu’à la fin des temps. Nous nous embrassons tous deux, lèvres jointes, nos langues mélangées. Et je bois ta salive, ô doux Sauveur ! Nous nous tenons enlacés comme un couple obscène aux carrefours des impasses humaines, Toi et Moi. Nos corps en feu. Dans le ravissement. Nous aimant à mourir et déjà par-delà la mort. Ivres de notre extase. Je crie comme un somnambule de la peur, debout jusqu’au petit matin de la résurrection. Au bas du manuscrit, mon nom. Signé Bubonocèle. Ou quelque chose d’approchant qui veuille tout dire à la fois, poison, escarre, venin, syphilis, catarrhe, fosses d’aisances des grandes villes saoules, amour de l’amour et porte principale des enfers maussades ou grand crucifix maigre de la Très Sainte Basilique du Tourment Éternel.
    Sur ce, vendeur émérite, couvrez-vous bien, les nuits sont fraîches, j’ai pris un billet de première classe pour le calvaire aérodynamique. La chaleur s’attaque aux murs, plaques de soleil brûlant. Boirais un grand verre glacé. Où se procurer de l’eau gratuitement dans une ville ? Monsieur, S.V.P., un grand verre d’eau fraîche. Et avec ça ? Avec ça, avec ça quoi ? Nous sommes tous frères, non ? Devinant mon épuisement, vous m’offrez de me délasser un moment chez vous, je n’ai que la peine de m’asseoir sur la chaise que vous me tendez ; un verre d’eau ne suffira peut-être pas à vous désaltérer, mon frère, voici la carafe, ne vous en faites pas, je vous en apporterai une autre quand celle-ci sera vide. Ainsi, puisque vous êtes entré dans ma maison, n’auriez-vous pas aussi envie de vous confier à quelqu’un si cela peut vous être d’un quelconque réconfort ; je vous écoute, parlez en confiance, nous verrons comment vous soulager. Salauds, bourriques, leurs physionomies d’étrangers, secs, durs, toute une portion de la terre qui se contenterait d’un gamelon de soupe par jour pendant que les pansus dégueulent à force d’alcool les écrevisses à la suprême, et les autres châtrés en soutane qui continuent de balancer leur eau bénite sur cette pourriture, bradant Christ au plus

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