Sépulcre

l’habitude d’enterrer leurs rois et leurs nobles avec leur trésor, épées, boucles de ceinture, bijoux, fibules, gobelets, croix, dans des tombes cachées, plutôt que dans des cimetières attenant à un édifice religieux. Et leurs rites funéraires leur valaient les mêmes problèmes qu’aux anciens Égyptiens.
    — Les pilleurs de tombeaux ?
    — Exactement. Aussi les Wisigoths développèrent-ils une technique particulière. Ils construisaient des chambres secrètes sous le lit des rivières. Cette technique consistait à endiguer la rivière en la détournant grâce à un barrage temporaire. On creusait alors le tombeau et l’on préparait la chambre funéraire. Une fois que le roi ou le guerrier et son trésor étaient enfouis en lieu sûr, la chambre était scellée, puis camouflée avec de la boue, du sable, des graviers et d’autres matériaux, puis on démolissait le barrage. L’eau affluait, et le défunt et son trésor restaient cachés pour l’éternité.
    Meredith, sentit que ses paroles avaient suscité quelque chose en Hal et elle se tourna pour le regarder, mais ne parvint pas à déchiffrer son expression. Bien sûr, il avait été éprouvé durant les dernières semaines, la veille en particulier, mais cela ne suffisait pas à expliquer ses brusques changements d’humeur. D’ouvert et détendu qu’il était, il devenait soudain accablé, comme s’il portait tout le poids du monde sur les épaules.
    Peut-être qu’il regrette d’être ici, avec moi, et qu’il préférerait être ailleurs ? se demanda-t-elle.
    Meredith cessa de l’observer du coin de l’œil. S’il voulait se confier à elle, il le ferait. Inutile de le forcer dans ses retranchements.
    Ils roulèrent en grimpant toujours plus haut sur le flanc nu de la montagne.
    — Nous y sommes, déclara Hal, après un dernier virage en épingle à cheveu.

46.
    Hal longea la dernière courbe de la route escarpée, bordée d’une profusion d’asters, de soleils et de fleurs sauvages.
    — Au printemps, il y a des coquelicots partout, dit-il en suivant la direction de son regard.
    Au-dessus d’eux, accroché à la pente, un petit village se profila, précédé d’un panneau de bienvenue.
    Rennes-le-Château
    Son site, ses mystères.
    Peu après, ils se garèrent dans un parking poussiéreux qui surplombait tout le sud de la Haute Vallée et sortirent de voiture. Meredith embrassa le panorama du regard, puis se tourna vers le village.
    Juste derrière eux, au centre du parking, se dressait un château d’eau, une tour en pierre sur laquelle un cadran solaire orienté face au sud indiquait les solstices d’été et d’hiver.
    Au-dessus, il y avait une inscription. Meredith mit sa main en visière pour la lire.
    Aïci lo tems s’en
    Va res l’Eternitat.
    Elle prit le cadran et l’inscription en photo.
    En avancée du parking se trouvait un panneau d’observation où figurait une carte. Hal, sauta sur le muret et se mit à lui désigner les différents lieux : les pics de Bugarach, Soularac et Bézu, puis les villes, Quillan au sud, Espéraza au sud-ouest, Arques et Rennes-les-Bains à l’est.
    Meredith respira à pleins poumons, impressionnée par la vue qui s’offrait à elle. Ce paysage grandiose, avec ses sapins, ses sommets se découpant sur le ciel infini, sa tour dans le lointain, lui rappelait quelque chose. Il ressemblait beaucoup à l’arrière-plan de la carte où figurait La Fille d’Épées. Oui, l’artiste qui en était l’auteur aurait pu s’inspirer d’un cadre comme celui-ci.
    — On dit que d’ici, l’été, par temps clair, on peut voir jusqu’à vingt-deux villages, dit Hal, puis il descendit d’un bond de son muret et lui indiqua un sentier qui partait du parking.
    — Si mes souvenirs sont bons, l’église et le musée doivent être par là, en contrebas.
    — Qu’est-ce que c’est ? demanda Meredith en désignant une tour crénelée qui surplombait la vallée.
    — La tour Magdala. À la toute fin du programme de rénovation, en 1898, 1899, Saunière construisit le belvédère ainsi que le chemin de ronde, qui court tout au long des jardins du côté sud. La tour servait à abriter sa bibliothèque.
    — La collection d’origine ne s’y trouve plus, j’imagine ?
    — Ça m’étonnerait fort, répondit Hal. On a dû remplacer les livres anciens par de vieux bouquins sans valeur, comme a fait mon père au Domaine de la Cade. Un jour il m’a appelé, tout fier. Il