Sépulcre
Léonie en comprenant enfin où Anatole voulait en venir.
— Alors tu pourras prendre une semaine ou deux de congés, Anatole ? insista Marguerite.
— Je ferais n’importe quoi pour ma petite sœur, dit-il, et il sourit à Léonie. Si tu acceptes l’invitation, alors je suis à ton service.
Elle eut soudain un petit frisson d’excitation.
Marcher dans la campagne, respirer du bon air au lieu de l’atmosphère viciée de Paris. Pouvoir lire ce que je voudrai quand je le voudrai sans craindre ni critique ni réprimande…
Avoir Anatole pour moi toute seule.
Et si je me plaisais au Domaine de la Cade, contrairement à Marguerite ?
Léonie fit mine d’hésiter encore un moment, pour que sa mère ne devine pas que son frère et elle étaient de mèche. Elle jeta un coup d’œil en coin à Anatole, à son beau visage meurtri. Dire qu’elle avait cru que tout était derrière eux. La soirée de la veille lui avait prouvé qu’il n’en était rien.
— Très bien, dit-elle avec un léger vertige, tandis que le sang lui montait à la tête. Si Anatole veut bien m’accompagner et rester jusqu’à ce que je m’y sente à mon aise, alors c’est d’accord. Maman, tu voudras bien écrire à tante Isolde pour lui dire que je, ou plutôt nous, sommes ravis d’accepter sa généreuse invitation.
— J’enverrai un télégramme pour confirmer les dates qu’elle a proposées, acquiesça Marguerite.
— Alors, à l’avenir ! lança Anatole en levant sa tasse de café, tout sourires.
— À l’avenir ! renchérit Léonie en riant. Et au Domaine de la Cade !
II
Paris
Octobre 2007
9.
Paris
Vendredi 26 octobre 2007
Meredith Martin contemplait son reflet dans la fenêtre tandis que le train fonçait vers le terminal Eurostar à Paris. Cheveux noirs, visage blanc. Elle n’avait pas bonne mine.
Elle jeta un coup d’œil à sa montre.
21 h 15. Ouf ! Nous sommes presque arrivés, se dit-elle.
Maisons et petits bourgs défilaient dans la pénombre en un réseau de plus en plus dense. Le compartiment était presque vide. Deux femmes d’affaires en chemisier blanc et tailleur-pantalon gris. Deux étudiants endormis sur leur sac à dos. En fond sonore, les clapotis des touches d’ordinateur, les chuchotis des téléphones portables, le bruissement des journaux français, anglais, américains. De l’autre côté de l’allée, un quartette d’avocats en chemises rayées et pantalons chinos au pli impeccable, de retour chez eux pour le week-end, commentaient en parlant fort une affaire d’escroquerie autour d’une table jonchée de bouteilles et de tasses en plastique. Bière, vin, bourbon.
Le regard de Meredith revint à la brochure touristique en papier glacé posée sur sa tablette, qu’elle relut pour la énième fois.
HÔTEL DOMAINE DE LA CADE
11190 RENNES-LES-BAINS
Situé dans un ravissant parc boisé au-dessus de la pittoresque ville d’eaux de Rennes-les-Bains, dans la belle région du Languedoc, l’Hôtel Domaine de la Cade allie à la somptueuse élégance du XIX e siècle tout le confort moderne de notre temps. L ’ établissement se trouve sur les lieux de la maison de maître d’origine, qui fut en partie détruite par un incendie en 1897 et transformée en hôtel dans les années 1950. Après une complète rénovation et un changement de direction, le Domaine de la Cade a rouvert ses portes en 2004, et il est maintenant reconnu comme étant l’un des meilleurs hôtels du sud-ouest de la France.
Pour les tarifs et conditions, voir ci-contre.
Cela paraissait grandiose. Lundi prochain, elle y serait. C’était le petit cadeau qu’elle s’offrait, deux ou trois jours fastueux après les vols discount et les hôtels bon marché. Elle rangea la brochure dans la chemise en plastique transparent avec le reçu qui confirmait sa réservation et remit le tout dans son sac.
Puis elle s’étira, fit rouler sa tête, ses épaules. Autant qu’elle s’en souvienne, jamais elle ne s’était sentie aussi fatiguée. Meredith avait réglé sa note d’hôtel à Londres à midi, déjeuné dans un café près de Wigmore Hall avant d’assister l’après-midi à un concert soporifique, puis avalé un sandwich à la gare de Waterloo… Enfin elle était montée à bord du train, en nage, épuisée.
Pour couronner le tout, le train était parti avec du retard. Elle avait passé presque tout le trajet dans un état d’hébétude, à contempler par la fenêtre la verte
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