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Sépulcre

Sépulcre

Titel: Sépulcre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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marqué.
    — Mais si je n’arrive pas…
    — Assez, trancha-t-il. Vous verrez bien le moment venu.
    Léonie prit le paquet enveloppé de soie noire et l’enfouit dans la large poche de sa cape, puis s’élança vers la cheminée pour prendre une boîte d’allumettes posée sur la tablette en marbre.
    Se hissant sur la pointe des pieds, elle déposa un baiser sur le front de Baillard.
    — Merci, Sajhë, souffla-t-elle. Pour les cartes. Pour tout.
     
    Le vestibule était plongé dans l’obscurité lorsque Léonie, Audric Baillard, Louis-Anatole et Marieta sortirent du salon.
    Dans chaque recoin de la maison, Léonie décelait des signes d’activité. Le fils du jardinier, Émile, qui était devenu un homme grand et fort, distribuait au personnel de maison toutes les armes qu’il avait pu trouver. Un vieux mousquet, un coutelas pris dans les vitrines, des bâtons. Les autres domestiques étaient munis de carabines, de râteaux, de pioches et de faux.
    Léonie perçut le saisissement de Louis-Anatole lorsqu’il découvrit, ainsi transformés, les compagnons de sa vie quotidienne. La main du petit garçon se resserra sur la sienne. Elle s’arrêta pour leur parler d’une voix ferme :
    — Vous êtes loyaux et courageux, mais je ne veux pas que vous risquiez vos vies. Je sais que mon frère et madama Isolde auraient été du même avis que moi. Nous ne pouvons pas remporter ce combat. (Elle contempla leurs visages familiers.) Je vous en prie, je vous en supplie, partez maintenant, tant que c’est encore possible. Rejoignez vos familles, vos enfants.
    Personne ne bougea. La vitre de la photographie suspendue au-dessus du piano scintilla, attirant son regard. Léonie hésita. Le souvenir d’un après-midi ensoleillé place du Pérou, jadis : Anatole assis, Isolde et elle debout derrière lui, si heureux d’être ensemble. Un instant, elle fut tentée de décrocher la photo. Mais Baillard lui avait conseillé de n’emporter que le strict nécessaire. Le portrait demeurerait là où il avait toujours été, pour monter la garde sur la maison et sur ses habitants.
    Comme les domestiques restaient inébranlables, Léonie et Louis-Anatole s’éclipsèrent par les portes de la terrasse. Baillard et Marieta les suivirent. Du groupe rassemblé au pied de l’escalier, une voix s’éleva :
    — Bonne chance, madama Léonie. Et à toi, pichon. Nous serons ici quand vous reviendrez.
    — Et à vous aussi, fit le garçonnet d’une voix argentine.
    Il faisait froid. L’air glacial leur mordit les joues et leur brûla les oreilles. Léonie rabattit sa capuche sur sa tête. Ils entendaient la populace, devant la maison ; elle était encore loin, mais ce son les remplit de terreur.
    — Où allons-nous, tante Léonie ? chuchota Louis-Anatole.
    Léonie devina sa peur.
    — Nous allons traverser les bois. Pascal nous attend avec le cabriolet.
    — Pourquoi attend-il là-bas ?
    — Parce qu’on ne doit pas nous voir ni nous entendre, répliqua-t-elle aussitôt. Puis, en faisant toujours très attention de ne pas nous faire remarquer, nous nous rendrons chez M. Baillard, dans la montagne.
    — C’est loin ?
    — Oui.
    Le petit garçon se tut un moment.
    — Quand rentrerons-nous ?
    Léonie se mordit les lèvres.
    — Fais comme si c’était un jeu. Comme si tu jouais à cache-cache. (Elle posa un doigt sur ses lèvres.) Mais nous devons nous dépêcher, Louis-Anatole. Et être silencieux, très, très silencieux.
    — Et très courageux.
    Léonie saisit le jeu de cartes dans sa poche.
    — Oh oui, murmura-t-elle. Très courageux.

95.
    — Mettez le feu !
    Sur l’ordre de Constant, la foule qui s’était massée derrière la maison, près du lac, plongea ses flambeaux dans la haie de buis. En quelques minutes, la haie flamba : d’abord les branches, puis les troncs, qui crachèrent et crépitèrent comme les feux d’artifice au-dessus des murs de la cité.
    La voix glaciale s’éleva à nouveau :
    — À l’attaque !
    Une masse humaine grouilla sur les pelouses et autour de l’eau, piétina les plates-bandes et gravit l’escalier de la terrasse en renversant les jardinières.
    Cigarette à la main, lourdement appuyé sur sa canne, Constant suivit la foule en boitant, comme s’il assistait à un défilé sur les Champs-Élysées.
    À 16 heures, après s’être assuré que Léonie était déjà en route pour Coustaussa, Constant avait fait porter en ville le corps d’un dernier

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