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Sépulcre

Sépulcre

Titel: Sépulcre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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visage. Un instant, la figure ressembla trait pour trait au visage qu’elle avait peint dans ses reproductions des tarots. La même chevelure cuivrée, les mêmes yeux verts, le même regard direct.
    Mon être et mes autres êtres, passés et à venir, étaient également présents.
    Autour d’elle, Léonie sentait des mouvements. Étaient-ce les esprits ou les cartes qui prenaient vie ? Elle n’aurait su le dire. Les Amants, sous son regard plein d’espoir, prenaient les traits aimés d’Anatole et d’Isolde. Un court instant, Léonie crut reconnaître ceux de Louis-Anatole scintillant derrière la figure de La Justice, avec sa balance et son ourlet brodé de notes de musique : l’enfant était contenu dans la silhouette de la femme. Puis, du coin de l’œil, le temps d’un éclair, les traits d’Audric Baillard – Sajhë – semblèrent s’imprimer sur le jeune visage du Pagad.
    Léonie, absolument immobile, laissa la musique l’envahir. Les visages, les costumes, les paysages semblaient bouger, changer, scintiller comme des étoiles, tournoyer dans l’air argenté, suspendus à un courant de musique invisible. Elle perdit conscience d’elle-même. Les dimensions, l’espace, le temps, la masse, tout s’était évanoui.
    L’air vibra tandis que les fantômes lui frôlaient les épaules et le cou, lui effleuraient le front, l’entouraient, doux et bons, sans vraiment la toucher. Le chaos silencieux grandit dans la cacophonie muette des chuchotements et des soupirs.
    Léonie tendit les bras devant elle. Elle se sentait sans poids, transparente, comme si elle flottait dans l’eau, bien que sa robe fut toujours écarlate et sa cape, noire sur ses épaules. Ils attendaient qu’elle les rejoigne. Elle retourna ses mains tendues et vit, très nettement, le symbole de l’infini apparaître dans la chair pâle de ses paumes. Comme un huit.
    —  Aïci lo tems s’en va res l’eternitat.
    Les mots tombèrent de ses lèvres. Maintenant, enfin, elle savait ce qu’ils signifiaient.
    Ici le temps s’en va vers l’éternité.
    Léonie sourit, et en songeant à Louis-Anatole après elle, puis à sa mère, à son frère et à sa tante devant elle, elle s’avança vers la lumière.
     
    Les secousses de la voiture sur le sol inégal l’avaient beaucoup fait souffrir ; plusieurs des lésions qui recouvraient ses mains et son dos s’étaient ouvertes. Le pus suintait sous les pansements.
    Constant descendit de voiture.
    Il tâta le sol de sa canne. Deux chevaux avaient attendu ici – et récemment. D’après les ornières laissées par les roues, il n’y avait qu’une voiture et elle semblait s’être éloignée du sépulcre.
    — Attends-moi ici, ordonna-t-il à son valet.
    Un vent puissant s’insinuait entre les troncs serrés de l’allée de cyprès qui menait à la porte de la tombe. De sa main libre, Constant resserra son pardessus autour de son cou. Il huma l’air. Il n’avait presque plus d’odorat et pourtant il décelait une odeur désagréable, un bizarre mélange d’encens et d’algues pourrissantes.
    Bien que le froid le fît pleurer, il distinguait de la lumière à l’intérieur du sépulcre. L’idée que le petit garçon s’y cachait peut-être lui donna la force d’avancer. Il marcha sans prêter attention aux bruits étranges qui l’entouraient, un grondement semblable à celui d’un cours d’eau, un sifflement rappelant celui du vent dans les fils télégraphiques ou la vibration des rails à l’approche d’un train.
    On aurait presque dit de la musique.
    Il refusait de se laisser distraire par les ruses que Léonie Vernier avait pu inventer, en se servant de lumière, de fumée et de sons.
    Constant s’approcha de la lourde porte. Au début, la poignée refusa de céder. Supposant qu’elle était verrouillée ou bloquée par une barricade de meubles empilés, il fit une nouvelle tentative. Cette fois, la porte s’ouvrit aussitôt. Constant faillit perdre l’équilibre et trébucha en entrant dans le sépulcre.
    Il la vit immédiatement, debout, de dos, devant le petit autel de l’abside octogonale. Elle ne cherchait d’ailleurs pas à se cacher. Aucune trace de l’enfant.
    Le menton en avant, regardant de gauche à droite, Constant remonta la nef en tapant de sa canne sur les dalles tout en traînant maladroitement les pieds. Il y avait une alcôve vide juste à côté de la porte, aux bords dentelés, comme si on avait abattu la statue qui s’y était

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