Sépulcre
dernier dans le tirage… Ni à cause de l’évidente ressemblance physique…
— Laura ? dit Meredith en cherchant cette fois son regard.
— Eh bien, je crois effectivement qu’elle vous représente, mais en même temps, je ne pense pas qu’elle indique une injustice qui vous serait faite. J’aurais plutôt tendance à croire que vous pourriez être appelée à réparer un tort. Vous en agent de la justice, conclut-elle, levant enfin les yeux. C’est peut-être ce que je pressentais plus tôt. Qu’il y avait autre chose, caché sous les éléments explicites indiqués par la séquence.
Meredith contempla les dix cartes étalées sur la table. Les paroles de Laura tournoyaient dans sa tête.
Explorer les possibilités, découvrir les motivations, les désirs inconscients.
Le Magicien et Le Diable, avec leurs yeux d’un bleu perçant, le premier étant le double octave du second. Tous ces huit, chiffre de la mise en lumière et de l’accomplissement.
Avançant la main, Meredith prit d’abord la quatrième carte du jeu exposé, puis la dernière. Force et Justice.
Inexplicablement, elles lui semblaient liées.
— À un moment, j’ai eu l’impression de comprendre, dit-elle posément, plus pour elle-même que pour Laura. Comme si, quelque part sous la surface, tout cela avait un sens.
— Et maintenant ?
Meredith releva la tête et les deux femmes se regardèrent un instant dans les yeux.
— Maintenant ce ne sont plus que des images. Juste des formes et des couleurs.
Ces paroles restèrent comme suspendues entre elles. Puis, sans prévenir, Laura rassembla prestement les cartes. On aurait dit qu’elle ne voulait pas laisser une seconde de plus le motif dessiné par les cartes intact sur la table.
— Vous devriez les prendre, dit-elle. Résoudre les choses par vous-même.
— Comment ? fit Meredith, persuadée d’avoir mal entendu.
— Ce jeu vous appartient, affirma Laura en lui tendant le paquet.
— Mais non, enfin, je ne vois pas pourquoi…, protesta Meredith.
Laura sortit un grand carré de soie noire et y rangea les cartes.
— Tenez, dit-elle en les plaçant devant elle. C’est une autre tradition du tarot. Pour beaucoup de gens, on ne doit jamais acheter soi-même un jeu, mais attendre qu’on vous en offre un comme cadeau, qui sera le bon.
— Laura, je ne puis accepter. D’ailleurs je ne saurais qu’en faire.
Elle se leva, enfila son blouson. Laura aussi se leva.
— À mon avis, vous en aurez besoin.
Un instant, leurs yeux se croisèrent.
— Mais je n’en veux pas.
Si j’accepte, il n’y aura plus moyen de revenir en arrière, se dit-elle.
— Le jeu vous appartient… Et je crois qu’au fond de vous, vous le savez.
Meredith sentit la pièce se refermer sur elle. Les murs en couleur, la nappe imprimée sur la table, étoiles, soleils, croissants de lune, tout vibrait, changeait de forme, grossissait, rapetissait. Et il y avait autre chose, un rythme qui pulsait dans sa tête, comme une musique. Ou le vent dans les arbres.
Enfin.
Meredith entendit le mot aussi fort et distinctement que si elle l’avait prononcé. Elle se retourna, pensant que quelqu’un était peut-être entré derrière elle. Il n’y avait personne.
Comme si les événements oscillaient entre passé et présent.
Ces cartes, elle ne voulait plus en entendre parler, mais face à la détermination de Laura, il n’y avait pas moyen de s’esquiver.
Elle les prit. Puis, sans un mot, elle tourna le dos et dévala l’escalier.
17.
Meredith erra dans les rues de Paris sans notion du temps, gardant le jeu dans sa main, avec l’impression qu’à tout moment les cartes pouvaient exploser, et elle avec. Elle n’en voulait pas, pourtant elle se savait incapable de s’en débarrasser.
Ce ne fut qu’en entendant les cloches de Saint-Gervais sonner une heure qu’elle se rendit compte qu’elle risquait bel et bien de rater son avion pour Toulouse.
Rassemblant ses esprits, elle s’engouffra dans un taxi à l’arrêt en criant au chauffeur qu’il recevrait un bon pourboire s’il parvenait à l’amener rapidement à bon port. Ils démarrèrent en trombe et se mêlèrent à la circulation.
Dix minutes plus tard, ils étaient rue du Temple. Meredith sauta du taxi, et tandis que le chauffeur l’attendait en laissant tourner le compteur, elle fonça, monta l’escalier jusqu’à sa chambre, fourra les affaires dont elle avait besoin dans son sac de voyage, saisit au
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