Sépulcre
passage l’ordinateur et son chargeur, puis redescendit comme une flèche. Elle confirma au réceptionniste qu’elle serait de retour à Paris à la fin de la semaine et resterait une ou deux nuits, puis remonta dans le taxi qui fila à travers la ville vers l’aéroport d’Orly.
Elle arriva un quart d’heure avant le décollage.
Tout ce temps, Meredith était en pilotage automatique. Son côté efficace et organisé la poussait à s’activer presque machinalement, mais son cerveau était ailleurs. Des phrases dont elle se souvenait par bribes, des idées qu’elle avait saisies à moitié, des subtilités qui lui avaient échappé. Toutes ces choses que Laura avait dites.
L ’ effet qu ’ elles ont eu sur moi.
En passant la sécurité, Meredith se rendit compte que, dans sa hâte, elle avait oublié de payer la séance à Laura. Rouge de confusion, elle calcula qu’elle avait dû y rester une bonne heure, sinon deux, et se promit d’envoyer de l’argent, supplément compris, dès son arrivée à Rennes-les-Bains.
Sortilège. L’art de lire le sort, autrement dit l’avenir, dans les cartes.
Comme l’avion décollait, Meredith sortit son carnet de son sac et se mit à écrire tout ce dont elle put se souvenir. Un voyage. Le Magicien et Le Diable, deux personnages aux yeux bleus à qui l’on ne pouvait totalement se fier. Elle, agissant pour rétablir la justice. Tous les huit.
Tandis que le 737 traversait les deux azur du nord de la France et survolait le Massif central vers le sud à la poursuite du soleil, Meredith écouta au casque la Suite Bergamasque de Debussy et écrivit jusqu’à en avoir mal au bras, noircissant des pages et des pages de remarques et de croquis précis. Les paroles de Laura passaient et repassaient en boucle dans sa tête, rivalisant avec la musique.
Des glissements entre passé et présent.
Et tout ce temps, comme un hôte indésirable, les cartes étaient tapies au fond de son sac de voyage, dans le casier à bagages au-dessus de sa tête.
Le Livre d’images du Diable.
III
Rennes-les-Bains
Septembre 1891
18.
Paris
Jeudi 17 septembre 1891
Sitôt la décision prise d’accepter l’invitation d’Isolde Lascombe, Anatole organisa leur départ.
Après le petit déjeuner, il alla envoyer le télégramme de confirmation et acheter les billets de train pour le lendemain, tandis que Marguerite emmenait Léonie faire des emplettes en prévision de son séjour à la campagne. Elles entrèrent d’abord à La Maison Léoty pour acheter de coûteux dessous qui donnèrent à Léonie l’impression d’être devenue une « vraie femme », tant ils transformaient sa silhouette. À La Samaritaine, elles choisirent une robe d’après-midi et un costume d’automne qui lui permettrait de marcher dans la campagne. Quoique chaleureuse et affectueuse, sa mère restait distante, comme préoccupée. Léonie se doutait que tous leurs achats étaient mis sur le compte de Du Pont, et elle se résignait à l’idée que lorsque Anatole et elle reviendraient à Paris en novembre, ils se retrouveraient encombrés d’un nouveau père.
Bien sûr, elle était excitée par la perspective du voyage à venir, mais elle se sentait aussi un peu déboussolée. Sans doute le contrecoup des émotions de la veille au soir. Elle n’avait pas eu l’occasion de parler avec Anatole ni de discuter avec lui de cette invitation, si opportune pour lui. Une coïncidence qui lui semblait un peu étrange.
Après le déjeuner, profitant de la douceur de l’après-midi, Marguerite et Léonie allèrent se promener au parc Monceau, où se retrouvaient les fils et filles d’ambassadeurs habitant dans le coin. Une bande de garçonnets jouait aux gendarmes et aux voleurs en poussant des cris surexcités, tandis que des petites filles en rubans et jupons blancs, surveillées par des nurses et des gardes du corps à la peau sombre, faisaient une partie de marelle. C’était l’un des jeux préférés de Léonie quand elle était petite, aussi s’arrêtèrent-elles pour regarder les gamines jeter le palet dans les carrés et sauter à cloche-pied de la terre jusqu’au ciel. Voyant sa mère doucement émue par ces échos du passé, Léonie se décida à l’interroger.
— Pourquoi n’étiez-vous pas heureuse au Domaine de la Cade, maman ?
— Je ne m’y sentais pas à mon aise, ma chérie, voilà tout.
— Mais pourquoi ? À cause des gens qui vous entouraient ou de l’endroit
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