Serge Fiori : s'enlever du chemin

les malaises que
lui faisaient vivre la scène et l’ensemble de son travail. Ce
furent des passages difficiles, alors qu’ignorante de ce qui
se passait dans la tête de son ami, elle a dû se contenter
d’être là, de l’accompagner, sans pouvoir le soulager. Elle a
cru qu’il allait récupérer et se remettre au travail après un
certain temps, mais aujourd’hui, elle sait que le problème
était bien plus profond que ce qu’elle entrevoyait. Le malaise de Fiori a peut-être été essentiellement un problème de
«   machinerie   », une dysfonction des neurotransmetteurs.
Il s’agissait peut-être d’une prédisposition à l’anxiété, qui
aura été aggravée par certains événements tragiques. Lorsque Serge a commencé à ressentir cette anxiété, il aurait
mieux valu l’emmener à l’hôpital, ce qui était hors de question, de sorte que Serge a dû composer avec ses troubles.
Il a essayé de survivre aux crises, pour ensuite se résoudre
à vivre avec elles. Aujourd’hui, la médication, le yoga et la
vie qu’il a choisie lui permettent de mieux coexister avec
cette prédisposition. Marie-Claire se souvient de l’opprobre qui a frappé Serge quand il s’est retiré de la scène, et
du vide qui s’est créé autour de lui   ; on l’évitait davantage
qu’on le sollicitait. Fiori n’a pas, à l’époque, rendu publiques les raisons de son retrait de la scène, et en dehors de
son cercle d’amis intimes, il n’a rencontré que de l’incompréhension. Cette période de quelques années a du moins
permis au couple Marie-Claire et Serge de vivre un peu de
calme et de sérénité   ; Fiori a mis ce temps à profit afin de
créer en toute liberté, puisque son album solo et celui avec
Nanette Workman ont été faits durant cette période. C’est
une mise à l’écart qui s’est avérée somme toute salutaire.
Désormais, Serge peut choisir ses projets et n’être l’esclave
de rien ni de personne.
    Marie-Claire reconnaît que l’angoisse, ce trou noir dans
lequel plonge parfois Serge, est aussi présente dans sa
propre vie. Elle-même portée à l’anxiété, elle subit parfois
cette énergie négative contagieuse qui émane de son compagnon. Elle se sent alors vide, tant la souffrance de son
ami la dérange   ; elle a dû apprendre, à ses côtés, à gérer ses
propres difficultés.
    La relation qui les unit est primordiale. Même si Serge
est tombé amoureux d’autres femmes au fil des années, il
a toujours insisté pour que Marie conserve sa place et ne
déserte pas leur relation amicale   : elle a appris à s’affirmer
auprès des amoureuses de Fiori.
    Mais vivre au quotidien avec Serge Fiori, c’est l’accepter
tel qu’il est   : changeant, parfois volontairement ambigu.
Un jour, il est immobile et contemplatif, le lendemain, il
est transformé en tornade créatrice et occupe une place
importante, donnant libre cours à son humour tonitruant.
Il ne peut cuisiner ni planter un clou dans le mur, mais
il tourbillonne autour de Marie avec ses idées, ses états
d’âme. Devenue son bras droit, Marie-Claire s’occupe de
sa comptabilité et de ses contacts. Elle administre un peu
sa vie de tous les jours et ses rendez-vous. Elle filtre les appels et gère les contacts de Fiori avec l’extérieur, tout en
s’occupant des tâches quotidiennes et domestiques. Elle
respecte les décisions de son ami   ; elle se permet, à l’occasion, quelques conseils ou quelques suggestions, mais
à la fin, c’est lui qui décide. Ils se complètent à merveille   ;
elle pose un regard d’administratrice sur les projets et les
questionnements de Fiori, tandis que lui en fait une lecture artistique, de sorte que les résultats sont toujours à la
hauteur de leurs espérances. Marie-Claire concède qu’elle
a développé une vision admirative de Serge Fiori, que trente ans de vie commune n’ont pas entamée. Elle le perçoit
d’une part comme un grand artiste, et d’autre part, comme
un être humain d’exception. Observatrice privilégiée de sa
vie et de sa création depuis toutes ces années, elle détecte
chez lui un espace hors du temps et des contingences matérielles, une énergie méditative doublée d’une spiritualité
communicative et rassurante.
    La place de Marie-Claire auprès de Serge s’est établie
au prix d’un détachement émotif considérable. Elle a dû
composer avec différents états d’âme de