Serge Fiori : s'enlever du chemin

illustre
la page couverture des travaux de Yogananda et qui montre les visages de six grandes figures spirituelles de notre
monde, parmi lesquelles Krishna, Jésus et Yogananda lui-même… Il est réconforté par cette image qui lui est parfaitement étrangère et dont il peine à distinguer les détails   ; il
ignore qui sont la plupart de ces gens, mais l’image chaude, nimbée de jaune, l’apaise. Il se rendort. La paix qu’il
éprouve sera toutefois de courte durée. Lorsque Marie pénètre avec force dans son appartement, le lendemain, il est
étendu par terre, les yeux révulsés, haletant, désorienté et
blafard. Marie-Claire se précipite sur lui et, sans dire un
mot, tout doucement, relève sa tête et l’appuie contre sa
poitrine.
    Elle le tient ainsi dans ses bras de longues heures, le
temps qu’il faut pour que l’esprit malade de Fiori réintègre lentement son corps   ; les choses se rééquilibrent, la vie
revient en lui, sa vision se précise et son corps retrouve
sa chaleur. Malgré son état pitoyable, Serge garde un souvenir vif et précis du sauvetage de Marie ce jour-là   : «   Elle est
entrée, elle portait une grande blouse blanche. On aurait
dit un messager céleste. Elle s’est assise à côté de moi et
elle m’a tenu contre elle toute la nuit. Ma vision de la veille
m’avait préparé à cela, j’en suis convaincu   ; les grandes figures spirituelles m’avaient envoyé un ange. Elle avait apporté L’autobiographie d’un yogi . J’étais épuisé, sans énergie et incapable d’articuler un seul mot, mais je venais de
retrouver l’espoir dans ses bras. Marie-Claire ne porte pas
le patronyme “Sauvé” pour rien…   »
    «   Serge
était
complètement
désemparé.
Déboussolé.
À l’époque, je croyais qu’il était en burnout . Il avait l’air
perdu, les yeux si tristes, il était déprimé. Je me souviens
m’être dit   : “il est malade”, mais à l’époque, je croyais que
c’était de la fatigue accumulée. Ça faisait trop longtemps
qu’il roulait, il avait besoin d’une pause. Les dernières discussions que j’avais eues avec lui allaient dans ce sens. Il
voulait s’arrêter et je lui disais que c’était correct, qu’il avait
le droit de le faire. Je crois que ce jour-là, je lui ai donné
l’approbation qu’il attendait.   »
    Auprès de Marie-Claire, la santé de Fiori s’améliore lentement. Il finit par reconnaître que les liens qui l’unissent
à cette femme sont peut-être plus forts que l’amitié et il
regrette amèrement d’avoir repoussé les avances de celle-ci. Il veut bien tenter d’entretenir une relation différente
avec elle, mais une fois de plus, il est déchiré   : elle est la
conjointe de Michel, son ingénieur du son et, surtout, son
grand ami. Il n’a jamais franchi une telle frontière auparavant. Il sait bien que le couple est fragile   : Marie-Claire lui
a confié qu’elle remettait en question tous ses choix de vie.
Elle souhaite redéfinir son orientation professionnelle et
quitter le Richelieu où se situe la dernière maison qu’elle a
acquise avec Michel. Elle sent qu’elle s’enlise dans sa relation avec ce dernier. Elle hésite à retourner à Montréal, ne
sait que choisir entre la musique et l’art. Elle reçoit finalement l’appel d’une copine qui lui offre de venir faire du
bénévolat au Centre de chirologie de Montréal   : intéressée
par l’astrologie et les lignes de la main, elle a envie d’accepter.
    La relation entre Serge et Marie se précise et ils décident,
par amitié et affection, de dévoiler à Michel ce qui leur arrive. L’annonce de cet amour naissant prend Lachance par
surprise et le frappe en plein cœur. Il sait bien que son couple bat de l’aile, mais il reçoit cette nouvelle comme une
cruelle et douloureuse trahison. Dévasté et profondément
blessé, il les laisse partir ensemble avec un sentiment de
colère et de grande tristesse. Le nouveau couple remplit
la petite Rabbit de tout ce qu’il peut y embarquer et part
sur les sentiers de la découverte et de la liberté. Fiori ne se
pardonnera jamais la douleur qu’il a infligée à Michel ce
jour-là, mais quand les deux hommes se reverront, quelques années plus tard, Lachance concédera, devant la pérennité de la relation qui unit Serge à Marie-Claire, que les
choses étaient peut-être mieux ainsi. Leur histoire n’avait
rien à voir avec la volonté de briser