Serge Fiori : s'enlever du chemin
sursis.
Une nouvelle orientation : l’électronique
Serge ne sait pas avec certitude comment cette transition technologique va se structurer, mais il a la conviction
profonde que l’électronique et l’informatique vont prendre une place de plus en plus importante dans le monde
musical, et que c’est le piano qui sera la figure de proue de
cette révolution. Cette intuition lui est confirmée quand il
apprend, par des revues spécialisées américaines, l’apparition du piano MIDI ( Musical Instruments Digital Interface ), un protocole de communication qui permet l’échange
de données entre des instruments de musique et des ordinateurs. Il découvre donc pourquoi il a mis tant d’heures à apprendre le piano au cours des dernières années. Le
clavier MIDI permet l’orchestration de pièces entières. Les
touches peuvent reproduire des instruments à cordes ou à
vent, la basse, la batterie…Toutes les sortes d’instruments.
C’est une bonne nouvelle pour Fiori, qui pourra aménager un studio MIDI et composer de la musique en toute
liberté. Il pourra continuer à œuvrer comme compositeur
et comme arrangeur, et mener ses projets à terme à son
rythme, et à sa façon.
Marie-Claire et Serge se rendent de nouveau en Californie, où ils approfondissent, pendant deux mois, leurs techniques de méditation. Durant ce séjour, Marie reçoit une
offre de gérance de studio, mais là-bas. Le couple hésite
à s’installer en Californie, d’autant plus que ce serait au
moins pour une année. Après mûre réflexion, Marie-Claire
et Serge décident de rentrer ; Serge est incapable de quitter le Québec pour une aussi longue période. Aujourd’hui,
il reconnaît que ce refus a sans doute été une erreur. Ce
changement de paysage lui aurait probablement fait beaucoup de bien et lui aurait ouvert l’esprit ; il aurait pu, comme il le dit, « s’épivarder un peu. »
De retour au pays, Fiori, qui a bien réfléchi aux options
qui s’offrent à lui sur le plan professionnel, entre en contact
avec Michel Dupont-Hébert : « Michel, j’ai trouvé !
—
T’as trouvé quoi ?
—
Ce que je veux faire !
—
Ah bon, c’est quoi ?
—
Je veux monter un studio.
—
Un studio ? Avec les six cents piastres par mois que tu gagnes ?
—
Ben… heu… non !
—
De combien t’as besoin ?
—
Cinquante mille dollars ! »
Serge a dû être convaincant parce que, dès le lendemain,
ils sortent de la Banque de Montréal avec le prêt en poche.
Fiori file chez Steve’s Music store et s’équipe avec ce qu’il y
a soi-disant de mieux sur le marché à ce moment-là en matière d’instruments MIDI : un Kurzweil de vingt-cinq mille dollars, la moitié de son budget total. Il s’agit pourtant
d’une grave erreur : l’appareil se révèle décevant et donne
un son qui n’a aucun intérêt. « À ce prix-là, c’est le Stade
olympique de la musique MIDI. » Avec le reste de l’argent,
Fiori s’installe néanmoins un petit studio dans son sous-sol tout de travers, humide et muni de petits radiateurs
bruyants disposés un peu partout. Il organise tout cela
dans deux petites pièces qu’il isole du mieux qu’il le peut
et qu’il repeint. On entend toujours les voisins, mais il lui
faudra composer avec cette situation.
À peu près à cette époque, Louis Saïa travaille sur un
projet de théâtre musical ; il souhaite donner le rôle principal à sa conjointe, France Castel. Fiori et lui se connaissent
depuis le cégep : il est donc naturel que l’auteur et metteur
en scène ait songé à son ami pour composer la musique de
cet ambitieux projet. L’entreprise, toutefois, prendra une
tournure inattendue. Content de s’atteler à la tâche, Fiori
compose, sur son piano, de belles mélodies, de puissants
thèmes de comédies musicales. En tout, il crée onze pièces qu’il aime et dont il est fier. Il commence à enregistrer
les pistes. Lorsque le travail en équipe commence, Serge,
absorbé par sa tâche, ne remarque pas que France et Louis
sont tellement gelés qu’ils n’arrivent pas à travailler. Lorsque France se présente aux enregistrements, elle a de la
poudre au bout du nez, ne sait pas trop ce qu’elle fait là,
ni quel est son rôle. Toutes les quinze minutes, elle sort
du studio en compagnie du technicien aux arrangements.
Louis n’est pas plus présent, du moins pas sur le plan
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