Serge Fiori : s'enlever du chemin
!
Comptez sur moi : on va en vendre trois cent mille exemplaires ! »
Lorsque vient le temps de signer le contrat, Fiori se pré
sente au bureau de Polydor. Assis en compagnie de Georges
et du directeur, il défend son point : il n’y aura pas de shows après l’enregistrement. Le directeur adresse un subtil clin
d’œil à Georges et rassure Serge : il n’y a aucun problème et
il peut signer l’esprit tranquille. Convaincu, Fiori signe…
… Sans lire les clauses.
Tout au long de la période de production de cet album,
de sa conception jusqu’à sa naissance, Marie-Claire demeure absorbée par son travail. Elle quitte la maison tôt
le matin et rentre en fin d’après-midi. Elle a juste le temps
d’avaler une bouchée et de retourner au Centre pour la
soirée. Leur vie de couple ne va pas très bien, à tel point
que s’ils décident de rester ensemble, ils choisissent toutefois de faire chambre à part : « Nous n’étions pas au même
diapason, Serge et moi. On était comme des trains qui se
manquaient sur les plans affectif et sexuel. Quand j’avais
besoin de Serge, il n’était pas là. Et moi non plus je n’étais
pas là pour lui dans les moments opportuns. On n’arrivait
pas à se rejoindre et comme Serge était plutôt déconnecté,
à cette période de sa vie, on a tout simplement accepté les
limites de notre relation. Moi, j’avais envie de bâtir quelque chose, de créer. Serge, même s’il avait entamé la création d’un nouvel album, était encore animé par une énergie négative, et moi, je trouvais cela lourd. Soudainement,
rien n’était plus simple. Par exemple, son père voulait lui
léguer son orchestre, mais Serge ne voulait pas. Ils avaient
d’interminables discussions là-dessus. »
Le couple se dispute de plus en plus souvent et le ton
monte parfois, si bien qu’un jour, Marie perd patience.
Alors qu’il sait très bien qu’elle a horreur des partys , Serge lui a organisé un souper d’anniversaire chez sa mère.
Marie-Claire est furieuse. Le ton monte et dans un élan de
colère, elle le frappe d’un coup de poing au visage. Bouche
bée, ahuri, Fiori se fige et fixe Marie dans les yeux. Avec un
élan qui marquera leur relation à tout jamais, il réplique finalement : « Tu veux me fesser, eh bien vas-y, fesse-moi !
Écoute-moi bien, Marie-Claire Sauvé, quoi qu’il arrive, je
serai toujours là pour toi. Tu peux penser ce que tu veux,
mais moi, je ne te laisserai jamais tomber. Tu es ma famille
et c’est pour la vie. »
Saisie, Marie-Claire lui demande de préciser ce qu’il veut
dire. Il lui répète qu’il ne la laissera jamais tomber, que son
choix est fait, qu’il prendra soin d’elle jusqu’à la fin de ses
jours. Marie pense d’abord qu’il est fou, mais lorsqu’elle
saisit la portée de ces mots magiques, elle éclate en sanglots. Celle qui endure une lourde blessure d’abandon,
dont la méfiance à l’égard d’autrui est immense, abdique,
baisse les bras et veut enfin croire à ces mots à tout prix.
Il lui répète qu’il sera toujours là pour elle, qu’elle a autant
besoin de lui que lui, il a besoin d’elle, quelle que soit la
forme que prendra leur relation. Il le croit profondément,
encore aujourd’hui, vingt-huit ans plus tard.
La tendance à la musique électronique est forte durant cette période au Québec. Même s’il est lui-même
féru d’électronique, son studio en témoigne bien, Fiori
ne se reconnaît pas dans ce son généré par ordinateur,
qu’il trouve trop souvent insipide et sans âme. Il préfère
le son organique de la guitare, du piano et des voix. À son
avis, l’ordinateur et l’électronique sont de bons moyens
de créer des sons, mais ceux-ci ne remplaceront jamais la
musique. Toutefois, les gens de Polydor ne voient pas les
choses de la même façon ; puisque la mode est à l’électronique, ils souhaitent que Serge prenne ce virage et s’insère
dans cette vague. C’est mal connaître Fiori, qui a horreur
des compromis artistiques qui diluent la créativité. Il veut
bien tenter de mouler son projet aux tendances actuelles,
mais uniquement si l’intégrité artistique de son œuvre
n’en souffre pas.
Le travail de composition commence. Plus personnel
que jamais, cet album parle de la relation du musicien
avec la femme. L’univers de Serge est d’abord féminin et il
a besoin de le dire. Depuis
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