Serge Fiori : s'enlever du chemin
qu’il est tout petit, il est entouré
de cousines, de tantes, de compagnes. De plus, il ressent
l’impérieux besoin, à l’aide de ce fil d’Ariane au féminin,
de produire un album plus pragmatique, plus personnel,
ancré dans le quotidien. Il revient en arrière, alors qu’il
était adolescent, et qu’il observait les adultes en silence,
particulièrement les hommes, qu’il jugeait à l’aune de leurs
rapports aux femmes. Ce qu’il s’était promis de dire alors, il
le sent monter en lui, il est prêt à l’exprimer aujourd’hui.
Presque toutes les pièces rendent hommage au côté di
vin des femmes. Pour Serge, Dieu n’est pas masculin, mais
bien féminin. Dans ses textes, il évoque la part divine des
femmes, mais aussi sa contrepartie diabolique. Folle de nuit , par exemple, décrit ces femmes sans limites qu’il a
rencontrées, comme France Castel, qui vivent leur vie à
cent à l’heure, dans l’excès, magnifiant le côté rock and roll qui existe en chacune d’elles et l’assumant entièrement.
C’est dans cette pièce que Nanette Workman, qu’il n’a
pas encore rencontrée, se reconnaîtra particulièrement. Étrange décrit l’anonymat de l’homme et de la femme au
quotidien ; la pièce Maladroit parle de Serge lui-même,
de son côté « p’tit gars », de sa gaucherie. La composition
des pièces de l’album Fiori est aussi teintée par sa rupture
amoureuse avec Marie-Claire : ce détachement amoureux
le rend triste. La pièce Veille est dédiée à Marie-Claire ; il
s’agit d’un hymne à l’amitié qu’il souhaite conserver avec
elle.
Après
avoir
enregistré
les
pistes
MIDI
chez
lui,
rue
Melrose, il commence le travail de transfert sur vingt-quatre pistes dans un studio minable au septième étage d’un
vieil immeuble situé à l’angle de la rue Jean-Talon et du
boulevard Décarie. Pour épargner des frais, il loue le studio
la nuit. La démo, constituée simplement de guitares, de
voix et de piano, est sublime. L’album aurait dû en rester
là. Mais les gens de Polygram veulent qu’on y mette le paquet, ils tiennent à faire quelque chose de gros. Après tout,
c’est le premier album de Fiori depuis Deux cents nuits à
l’heure !
Ils engagent un ingénieur du son britannique, Paul
Northfield, qui a travaillé en Angleterre avec le groupe
Genesis, et louent le studio de Morin Heights. Ils souhaitent produire un gros, gros album, avec des ajouts électroniques et tout l’arsenal de l’époque. Serge commence
à sentir qu’on lui met de la pression, mais la présence de
Northfield lui inspire confiance ; il accepte les conditions
de la maison de disques. Il s’adapte, fait le travail jusqu’au
bout, même si des doutes surgissent ici et là. L’album lui
plaît. Avec le recul, il considère que l’électronique a bien
servi ses chansons, que la création de cet album lui a permis une certaine forme d’exploration digne de mention.
Il prétend aujourd’hui que de tous les albums électros de
l’époque, le sien a solidement tenu la route. Il a bien vieilli.
Il n’a pas été créé dans la foulée d’une vague éphémère et
sans substance.
L’album paraît. Certaines pièces se retrouvent aussi
tôt au palmarès des chansons les plus populaires, mais
la rumeur circule déjà que Fiori ne fera pas de spectacles live . Pour sa part, il est coincé, il doit maintenant honorer la promesse que Georges a faite aux producteurs, qui
prévoyait une campagne de promotion et des spectacles.
Serge est furieux, il se sent floué, mais comme toujours, il a
de la difficulté à en vouloir à Georges. Quant à Polydor, elle
a agi de façon ouverte. Le directeur aurait quand même pu
prendre la peine de demander à Serge s’il avait l’intention
de monter sur scène. La campagne de promotion bat son
plein : shows du matin à la télé, émissions de variétés le
midi, émissions culinaires ; tout y passe. C’est tout juste si
Fiori ne doit pas cuisiner une petite recette en ondes, pour
plaire au public ! Le musicien prend la peine de prévenir
les relationnistes qu’il est un oiseau de nuit ; comme il se
couche à l’aube et se lève à midi, il demande qu’on ne programme rien avant quatorze heures. Peine perdue. Il doit se
lever aux aurores pour se présenter sur des plateaux à huit
heures du matin, dans des émissions de service qui n’ont
aucun rapport avec la musique ; il
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