Serge Fiori : s'enlever du chemin

je vais
mal, que je ne comprends plus rien, que j’ai une boule dans
le ventre, que je vais exploser, que je vais faire un arrêt cardiaque. Mais dès que je le dis, ça vient de passer. Moi, j’ai
commencé à méditer pour ça, parce que j’étais vraiment
pogné, je ne fonctionnais plus du tout. Il faut s’occuper
de notre vérité et ne jamais la quitter. Il faut se faire aider.
Pour moi, l’autre, c’est le miroir, donc c’est la transparence. Si tu es transparent avec les autres, complètement, sans
concession, sans tricher, tu vas rencontrer le vrai amour.
Parce que tu es vrai avec l’autre   ; si lui ne l’est pas, ça va
te sauter au visage et ça ne marchera pas. Tu rencontres
quelqu’un, ça se règle en trente secondes   : ne bouge pas,
ne fais rien, regarde dans les yeux de l’autre. Tu le sais s’il
y aura un jeu ou non. L’énergie va passer des deux côtés
ou elle ne passera pas. Car la spirale, à l’intérieur de notre
corps, elle s’échange avec une autre spirale, qui est à l’intérieur de l’autre. La vie, c’est une spirale.   »

    Au cours de l’année 1994, l’image de Georges, le père de
Fiori, se fissure. Le musicien flamboyant, volontiers fantasque et prodigue de ses largesses, est endetté, seul et à
bout de ressources. Il ignore comment se sortir de ce bourbier, comment s’extirper du marasme dans lequel l’ont
plongé quarante-cinq années d’irresponsabilité financière. Pour rembourser ses nombreuses dettes, il songe à faire
un album. Pourquoi pas   ? Il en a rêvé toute sa vie, de cet
album, pourquoi ne pas demander à Serge de l’aider à le
faire   ? Ainsi, il fera d’une pierre deux coups   : il réalisera son
rêve et payera ses dettes. Il fait acte d’humilité et s’assoit
avec Serge. Il lui expose sa situation, lui explique pourquoi
il doit faire ce disque et lui demande de l’aide. Serge accepte, bien sûr   ; il ne peut pas laisser son père dans cette
position délicate. Il est loin de se douter qu’il passera, pour
venir en aide à Georges, les trois années suivantes de sa
vie à travailler comme un forcené sur deux albums et un
spectacle… Il y aura un album classique, avec orchestre et
voix d’opéra, et un album de cantiques de Noël. Ce dernier
sera enregistré à l’église Saint-Jean-de-la-Croix, à l’endroit
même où Georges et Claire se sont mariés.
    Lorsqu’il cherche à financer l’album classique, Serge est
l’un des seuls à croire à la viabilité du projet. C’est Rosaire
Archambault qui accepte, malgré son peu de conviction,
d’avancer la somme de cinquante mille dollars. Le travail
peut commencer. Pour Serge Fiori, l’aventure de ce premier album avec son père est aussi éprouvante que stressante.
    Il travaille avec un arrangeur, mais l’orchestre de Georges peine à jouer une note juste, alors les deux professionnels participent eux-mêmes aux enregistrements. Georges
est présent sans l’être, à sa manière, malmenant les musiciens et les envoyant promener. Il agit comme s’il avait
le contrôle sur tout un chacun, mais en réalité, il n’est pas
du tout compétent. Lorsque Serge le prend à part, pour lui
dire que tout cela n’a aucun sens, Georges balaie ses doutes du revers de main   : «   C’est pas grave, c’est pas grave.   »
Serge et son arrangeur doivent rejouer les partitions de A à
Z, au clavier et à la guitare. Ils enregistrent l’orchestre, pour
faire plaisir aux membres, mais les chanteurs ne peuvent
en aucun cas chanter là-dessus   ; c’est une véritable fanfare
d’école secondaire   ! Georges, dans sa grande confiance et
sa grande naïveté, est convaincu que son fils peut tout arranger cela. Ce qui est le cas   ; l’album s’achève, au prix de
longs mois d’efforts pour Serge Fiori, qui a… tout arrangé.
    Contre toute attente, l’album se vend bien, et les profits
qu’il génère permettent de financer le second.
    Fort du succès de son disque, enregistré par son orchestre,
Georges décide de réaliser un deuxième rêve   : il loue la salle
Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts pour un concert avec
son orchestre. Il engage trente musiciens, neuf chanteurs
classiques et des danseurs. Il vend ses trois mille billets à
cent cinquante dollars chacun   ! Serge est consterné   : «   Non
mais, papa, t’es complètement malade   ? Tu ne sais même
pas donner une intro à un orchestre   ! Les chanteurs vont