Serge Fiori : s'enlever du chemin
chanter sur quoi ? Les danseurs vont danser sur quoi ? Et
surtout, tu vas diriger quoi ? » « Ben… arrange-moi ça ! » Il
est trop tard pour reculer, Georges s’est indubitablement
commis, et des frais considérables sont engagés.
Sommant son père de lui trouver un local de répétition,
Serge engage trois musiciens professionnels qu’il répartit
dans chacune des sections de la formation musicale. Ils sont
chargés de répéter avec l’orchestre, deux soirs par semaine.
Serge espère que les autres musiciens finiront par imiter
ces professionnels. Quant à Fiori fils, il dirige l’orchestre.
Plaçant son père derrière lui, il lui ordonne de regarder ce
qu’il fait, pour apprendre par imitation, mais Georges est
toujours ailleurs : il parle au téléphone, est distrait par tout
ou rien et tourne en rond en demandant à tout moment :
« C’est correct, là, on peut aller manger ? » À deux semaines
de la représentation, l’éclairage n’est pas réglé, ni même le
dispositif scénique : rien ! Quatorze danseurs, trente musiciens et neuf chanteurs attendent ses instructions : la
panique n’est pas loin de s’installer. Serge opte alors pour
une solution faisant appel à la débrouillardise : il loue un
système de communication avec micros, et explique à son
père qu’il devra, muni d’un écouteur à l’oreille et d’un micro, monter sur la scène afin de diriger les musiciens. Serge
s’assoira à l’arrière avec un équipement analogue et orientera son père, qui dirigera l’orchestre. C’est une solution
intelligente et honorable qui permettra de sauver la mise.
En répétition, Fiori s’installe tous les soirs à la console de
son et donne ses instructions à Georges. « Ici, tu te retournes ; là, tu dis à la trompette de partir. Là, tu te retournes
encore, il faut que le chanteur chante. » Ils s’exercent ainsi
durant deux semaines.
Le soir du concert, assis avec l’ingénieur du son de la
Place des Arts, ses écouteurs sur les oreilles, Serge donne
le signal de l’intro. L’ouverture se fait avec les violons : tout
baigne. Le public n’en revient pas de constater que l’orchestre de Fiori père, d’habitude tout de travers, joue si juste. Pour George, c’est normal : « Mon gars, c’est lui qui a fait
ça, c’est normal, c’est mon fils. Maudit qu’on est bons ! »
En plein milieu du récital, le cœur de Serge s’arrête de
battre : il voit son père retirer ses écouteurs ! Alors que dans
cette partie musicale, un chanteur et des danseurs doivent
s’exécuter, ils ne reçoivent plus aucun signal. C’est la catastrophe ! Tout dérape, plus rien ne va ; sur la scène, c’est
la cacophonie. Serge se rue alors dans l’allée, monte sur
scène, se plante devant les musiciens et se remet à diriger
l’orchestre. Il vient d’éviter que le spectacle ne sombre dans
le chaos. Tandis qu’il reprend les choses en mains, son père
s’approche et lui glisse à l’oreille : « Non, mais on l’a-tu, l’affaire ! » Fiori se retourne une seconde, juste le temps de cracher entre les dents : « Hé, tab… j’vas t’arracher la tête… »
La prise en charge de la tournée qui suivra – parce que
Georges avait aussi prévu une tournée de concerts –, sera
un fardeau pour Serge qui devra affronter, tous les soirs,
les démons intérieurs qu’il avait réussi à fuir depuis qu’il
s’était éloigné de la scène. Pour trouver le sommeil et un
peu de quiétude, il doit avaler un somnifère chaque soir.
Son objectif principal est d’aider Georges à rembourser
ses dettes ; c’est ce qui le motive, mais lorsqu’il ouvre les
livres de comptes de son père, il découvre que celui-ci est
toujours endetté de centaines de milliers de dollars. Malgré tous les efforts de Serge pour venir en aide à Georges,
celui-ci ne sortira jamais complètement de son gouffre financier. Serge Fiori tente bien de payer les musiciens et de
rembourser les dettes multiples de son père grâce aux revenus des albums, mais il doit se rendre à l’évidence : c’est
une mission impossible.
Fiori est à bout de souffle. À la fin de la tournée, Georges
aussi commence à être fatigué. Il éprouve des malaises au
dos ; sa santé semble chancelante.
Un soir de mai 1997, à l’appartement de Duvernay que
Georges partage toujours avec Claire,
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