Serge Fiori : s'enlever du chemin

  : pas question de
rompre dans un moment aussi crucial, alors que chacun a
besoin de l’autre pour se remettre de ses blessures physiques et mentales. Majoly a des ecchymoses à la grandeur
du corps. Elle est blessée au ventre et aux côtes, mais elle
est aussi psychologiquement brisée. Avec Julie, l’assistante
de la danseuse, Fiori partage les heures de veille   : Julie passe la journée au chevet de la pauvre femme, et Serge passe
la soirée et la nuit auprès de celle-ci   ; elle ne dort pas, les
douleurs sont trop vives. Fiori rentre chez lui au petit matin, épuisé, et s’endort pendant une partie de la journée.
En choc post-traumatique, le couple ne peut plus aller rue
Saint-Denis ou avenue du Mont-Royal sans trembler. Les
deux amants ne peuvent plus marcher seuls dans la rue.
Pour éviter d’être constamment perturbés, ils s’isolent. Il
faudra des mois et des mois de soins, de pilules et de psy avant que Majoly aille véritablement mieux. Mais le couple
n’a pas encore subi toutes les conséquences de ce déversement de violence   : il reste encore le procès.
    Celui-ci se tient deux ans plus tard, au palais de justice
de Montréal, et Fiori y vivra une désillusion totale en ce qui
a trait au système de justice québécois. Le tout s’avère une
véritable mascarade, un simulacre de procès qui le laissera
amer, enragé et déçu. Après avoir siégé pendant près d’un
mois, le jury acquitte les quatre filles et les blanchit de
toutes les charges   : c’est le triomphe de l’argent et de la
mauvaise foi. Du côté des quatre assaillantes, six avocats
se présentent   : deux d’entre eux défendent le groupe et
chacune des filles dispose en plus d’un avocat personnel.
Serge et Majoly sont simplement représentés par une procureure de la Couronne. Comme les quatre accusées sont
anglophones, le procès se déroule en anglais. Elles ont
tous les droits, puisque ce sont elles, les accusées. La situation est rocambolesque   : la juge est anglophone, le jury
aussi, et bien que Serge soit parfaitement bilingue et qu’il
puisse répondre aux questions aussi bien dans les deux
langues, on l’oblige à parler exclusivement français. Il doit
systématiquement faire appel à la traductrice, qui traduit
ses interventions. Aussi traduit-elle chaque question de
la procureure. Le procès s’annonce long, reposant sur des
bases absolument ridicules. Pendant des jours, la défense
s’acharne à miner la crédibilité de Fiori et de Majoly. Ils
sont traînés dans la boue   : on les dépeint comme des drogués, des assistés sociaux qui tentent de déjouer le système
pour obtenir quelques prestations de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail. Les six avocats s’acharnent particulièrement sur Majoly. Comme si elle n’avait
pas été assez blessée physiquement, il leur faut la démolir
mentalement. Les journaux anglophones se délectent de
la situation   : les tabloïds à scandale les dépeignent comme
des toxicomanes et des héroïnomanes violents, et Serge,
comme une rock star déchue, dépravée, une épave reconnue pour son manque de moralité. Isabelle Richer, journaliste à Radio-Canada, tente bien de défendre Fiori sur les
ondes. Elle ne le connaît pas personnellement, mais elle a
de lui l’image – nettement plus proche de la réalité – d’un
homme pacifique, qui n’a pas une once de malice. Serge
lui en est reconnaissant, mais le mal est fait.
    Le midi, alors que Serge et Majoly mangent une bouchée
à la cafétéria du palais de justice, les quatre filles les narguent et les provoquent en leur faisant des doigts d’honneur et en leur criant   : «   Fuck you mother fucker   !   »
    L’attaque et le procès absurde font en sorte que Fiori
n’éprouve plus l’envie de sortir. D’ailleurs, il n’a plus l’énergie de le faire ni de retourner se perdre dans le tourbillon
de l’alcool et des bars. De toute façon, Majoly est complètement brisée et il s’occupe d’elle jour après jour. Heureusement, des projets se pointent, ce qui va les aider à surmonter cette épreuve et ses injustes conséquences. L’état
de santé de Majoly s’améliore et elle retrouve son esprit
d’initiative.
    Par ailleurs, Marie-Claire, de son côté, a fait un choix   :
elle laisse le Centre et revient vivre auprès de son ami. Elle
s’installe définitivement rue Saint-Laurent.

    C’est durant cette période que Majoly