Serge Fiori : s'enlever du chemin
de
trois ans de travail sur ces deux projets, qui finissent par
échouer. Le documentaire ne verra pas le jour parce que
tout ce monde n’arrive pas à s’entendre sur les modalités,
et le spectacle en 3D ne sera jamais présenté parce que la
vision des musiciens et celle de Lepage sont diamétralement opposées.
Entre-temps, Paul Dupont-Hébert prend contact avec
Serge Fiori et lui propose une nouvelle idée : dans le cadre
de l’édition 2006 des Francofolies, on organisera un spectacle hommage à Serge Fiori. Il s’agira d’une présentation
entièrement consacrée à l’œuvre de Serge, interprétée par
différents artistes de la scène québécoise, et qui se tiendra à la Place des Arts. Un album Hommage à Fiori paraîtra
quelques semaines avant le spectacle, et l’artiste n’aura
rien d’autre à faire qu’accepter.
Serge se montre évidemment enchanté et flatté par
l’idée, mais ses démons ne sont jamais loin. Juste l’idée
d’être présent à cette soirée lui donne des sueurs froides.
Il est tenté, pour cette unique raison, de décliner la proposition. Il fait tout de même part de ses angoisses et de ses
appréhensions à Dupont-Hébert, qui l’assure qu’il ne sera
pas embêté et qu’il n’aura pas à monter sur scène.
Le soir du spectacle, en compagnie de Suzanne, de Ma
rie-Claire, de Louis et de Claire, sa mère, Fiori est installé
dans la corbeille réservée à son attention. Il a la mauvaise
idée de se pencher par-dessus la balustrade pour saluer de
la main une connaissance au parterre. Le public le reconnaît immédiatement : s’élève alors, dans la salle Wilfrid Pelletier, une immense clameur. Un tonnerre d’applaudissements emplit l’espace. Tout en tapant frénétiquement
des mains, le public se lève d’un bloc. L’ovation des trois
mille spectateurs durera huit minutes, huit longues minutes qui font passer Serge par tous les états : il veut mourir, il
sent qu’il va fondre ou s’évanouir. Il pleure, tellement cette
formidable vague d’amour et de reconnaissance est bouleversante. Voici comment Sylvain Cormier, dans Le Devoir du dix juin 2006, a résumé la scène :
« Le revoir. L’applaudir. Lui dire merci en personne. Pour
Harmonium. Pour le Fiori-Séguin. Pour les accords de 12cordes qui résonnaient à l’infini. Pour les harmonies qui
montaient au ciel. Merci pour tout. C’était ce que nous
souhaitions du fond du cœur : sa présence. Et il était là.
Serge Fiori avait trouvé en lui le courage de se montrer,
première loge, avec sa mère et sa blonde. Arrivé (sic) avant
le début du spectacle, des gens l’ont tout de suite vu, des
applaudissements ont fusé, on s’est levés. On l’a ovationné. Évidemment, il a fondu en larmes, mais ne s’est pas
sauvé. »
Lorsque l’ovation se termine enfin, Serge s’échappe en
courant vers l’arrière-scène, où il peut boire un bon coup,
embrasser les artistes et fuir la foule. Comme il s’en doutait
bien, et malgré les propos rassurants de Paul, lorsque la fin
du spectacle arrive, un artiste annonce que Serge Fiori est
dans la salle ; on l’invite donc à monter sur les planches.
Serge est tétanisé, terrorisé. Paul Dupont-Hébert, jugeant
qu’il ne peut plus reculer, tire Fiori par le bras, le traîne le
long de la coulisse et le propulse littéralement sur scène.
Là, sous les feux des projecteurs, il n’a d’autre choix que
de crâner. Il souhaite que le moment ne s’éternise pas. Il
s’incline devant les artistes, remercie le public ; les membres de Loco Locass lui enfilent leur célèbre chapeau en
forme de triboulet, aux couleurs du fleurdelisé. Fiori s’agenouille et exhibe le chapeau aux spectateurs. Il n’aura passé que quelques minutes sur scène, mais ce sont quelques
minutes éprouvantes. Il mettra des mois à s’en remettre.
Sa capacité à faire confiance à ceux qui lui assurent qu’il
n’aura pas à se montrer publiquement est gravement touchée.
À la fin de l’année 2006, Suzanne vend sa maison de
Longueuil pour s’installer dans un appartement à Montréal. Au printemps 2007, le couple célèbre les cinquante
ans de Suzanne. Durant ces quelques mois, une distance
réelle s’instaure entre eux. Pour l’instant, le duo continue
de se fréquenter, mais chacun est ouvert à l’idée de satisfaire ses besoins ailleurs.
Mon histoire avec Serge
À l’été 2007, Suzanne décide de partir en
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