Serge Fiori : s'enlever du chemin
vacances seule.
C’est exactement à ce moment-là que j’entre dans la vie
de Serge. C’est mon amie Josée, propriétaire du restaurant
l’Incrédule, que Serge est habitué de fréquenter, qui organise un souper afin que nous fassions connaissance.
Dès notre arrivée dans le restaurant indien que Josée
avait choisi, nous nous montrons tous les deux timides.
Au début, Josée doit prendre la conversation en charge et
Serge ne s’adresse qu’à elle. Mais lorsque nous établissons
finalement le contact, personne d’autre que nous n’existe :
nous parlons, parlons, parlons, à tel point que Josée doit
s’immiscer dans notre conversation pour placer un mot.
Elle finit par s’en aller sans que nous cessions de discuter :
nous lui faisons un simple signe de tête et poursuivons notre conversation jusqu’à ce qu’on se retrouve dans le jardin
de Serge Fiori et que, tard dans la nuit, je me doive d’interrompre le fil de notre discussion pour rentrer chez moi.
Lorsque je le quitte, ce soir-là, j’ai l’impression d’être
redevenue une adolescente. Malgré le peu de sommeil,
je rentre au bureau le lendemain, le cœur léger. J’attends,
pendant quatre interminables jours, un appel de Fiori qui
finit par arriver. Il me donne rendez-vous au restaurant
Lou-Nissart : ma première date avec lui.
Nous terminons la soirée chez lui. Puis, s’enchaînent
une nuit passionnée et des jours et des jours à fusionner,
à tout se raconter. Suzanne téléphone un soir et Serge lui
annonce qu’il a rencontré quelqu’un et que c’est sérieux.
Je suis à la fois triste et rassurée : triste pour Suzanne, que
je ne connais pas, mais rassurée en ce qui a trait à ma relation avec Serge. J’ignore toutefois l’insécurité qui m’assaille : après tout, je ne suis pas née de la dernière pluie,
j’ai quarante-quatre ans. Serge n’est pas mon premier élan
amoureux et je suis consciente que le deuil de sa relation
avec Suzanne est loin d’être terminé. Mais je ferme les
yeux, je préfère ne rien voir et me faire croire que tout ira
pour le mieux.
J’ai beau accompagner des adultes dans leurs problèmes relationnels depuis des années, leur enseigner l’importance de l’amour de soi, les conséquences de la dépendance affective et de la négation de soi, je tombe quand
même à pieds joints dans le piège et je continue d’ignorer
l’évidence du mur auquel je vais me heurter sous peu.
Mais pour l’instant, je file le parfait bonheur, je me laisse
bercer par les paroles de Serge et par son enthousiasme,
particulièrement lorsqu’il me présente à ses proches.
« Notre rencontre, Louise, c’est un timing . Le besoin
qu’on avait l’un et l’autre de cette relation, c’était un peu
guérissant. Ça ne l’était pas parce que tu ne m’analysais pas,
mais c’était sous-jacent : tu es thérapeute. Toi, tu corresponds davantage à ma nature, on se ressemble beaucoup,
toi et moi. Tous ceux qui nous connaissent le remarquent
ou le disent. Nous avons la même urgence de régler nos
affaires, d’être libres de tout se dire. De définir, de nettoyer
les non-dits. Tu correspondais à ce dont j’avais besoin. Au
moment où je t’ai rencontrée, Suzanne venait de partir en
vacances, et sans devenir mon rebound relationship , tu es
apparue au bon moment.
« J’ai tout de suite vu qu’on était trop pareils tous les
deux pour que notre relation se solidifie sur le plan amoureux. Il y avait comme une craque dans notre affaire, il faut
qu’il y ait des différences ou des silences dans une relation
amoureuse. C’était comme une amitié flyée .
« De plus, nous sommes tous les deux des personnalités addictives et passionnées. Moi, je m’étais toujours retenu dans mes excès. Toi, tu m’as tellement accepté dans
cette partie de moi, parce que tu t’étais assumée dans les
tiennes. C’était le contraire de ce que j’avais connu. Alors
que je mettais toujours des freins, toi, tu débarquais avec
tes bouteilles de vin, nous parlions jusqu’au petit matin.
J’avais confiance qu’avec toi, même si je ne me souciais
pas de mes limites, tu me ramasserais. J’avais un sentiment de sécurité profonde et l’impression que tout cela
était correct.
« Et comme on était vrais et qu’on se disait tout, quand
j’ai hésité entre mon idylle avec Suzanne et ma relation
avec toi, tu m’as écouté, mais ça t’a
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