Serge Fiori : s'enlever du chemin
rentré dedans. Ce qui
nous a tenus, c’est les heures et les heures passées à se
parler, à faire face à nos vérités. On allait au fond de nos
cellules, on était complètement transparents. Enfin, que
je me disais, je peux être moi sans me sentir comme un
extra-terrestre et sans faire peur à l’autre. Je sais combien
je te défaisais. On passait de la passion ensemble au déchirement. Au fond, je ne voulais pas vraiment revenir avec
Suzanne. Mais on savait très bien qu’on allait crasher toi
et moi. Ça ne pouvait pas continuer comme ça. Tu as toujours compris que je n’avais pas une once de malice.
« Un an plus tard, j’étais prêt à vivre une relation avec
toi. Quand je t’ai rappelée pour te le dire et que tu m’as annoncé que tu étais déjà ailleurs, je me souviens t’avoir dit :
“Je ne te crois pas.” Et pourtant !
« Mais ce qu’il y a de différent, aussi, aujourd’hui avec
toi… Même dans l’amitié, quand on “pète nos coches”,
toi, tu reviens tout de suite, tu ne brises pas les liens. Moi,
je n’ai jamais vécu ça avant. Quand je me disputais avec
quelqu’un, je coupais. Et ça faisait des ruptures remplies
de silences.
« Ce fut un exercice d’acceptation dans mes dualités,
dans mes dépendances qui ne sont pas juste mauvaises,
qui cachent aussi ma passion, le droit de m’exprimer et
de dire mes malaises. Et le plaisir qui vient avec. Tout a
convergé. J’étais rendu à “tout passe ou tout casse”. Tu es
arrivée au bon moment. »
L’amitié qui est née de cette relation demeure le plus
beau cadeau que la vie ait pu me faire.
Québec sur ordonnance
Fiori est en pleine création de la musique de Québec sur
ordonnance , le deuxième documentaire de Paul Arcand,
qui dénonce la surconsommation de médicaments au
Québec et le cartel des compagnies pharmaceutiques. Ce
faisant, il réalise que la dose normale d’Effexor qui est habituellement prescrite est de soixante-quinze milligrammes,
alors que la dose qu’on lui a imposée est deux fois et demie
plus élevée ! Alors qu’il doit écouter le documentaire pour
en composer la musique, il comprend combien les entreprises pharmaceutiques tirent avantage de la désinvolture
avec laquelle les médecins prescrivent une quantité faramineuse de médicaments, et ce, partout dans le monde.
Il se lance et compose spontanément des thèmes que
Paul et lui adorent. Par contre, lorsque Denise Robert s’en
mêle, elle propose une musique un peu plus hard, car elle
juge que les compositions de Fiori ne sont pas assez heavy .
Serge est un peu déstabilisé par cette demande, mais il obtempère et ajoute des effets plus dramatiques à la musique initiale. Il n’est pas très à l’aise de le faire, mais il se
dit qu’après tout, ce sont eux les clients. Il ajoute donc des
guitares électriques et une touche un peu Led Zeppelin.
La productrice autorise ces changements et le film avance
tranquillement.
Durant cette année de relation amoureuse avec Serge, je
suis fascinée par sa vie artistique ; il compose la musique du
documentaire de Paul Arcand et nous passons des heures
à écouter de la musique. Nous partageons, Marie-Claire,
Serge et moi, des moments très intenses. Un soir que nous
écoutons des CD, je leur fais entendre une pièce de Rickie Lee Jones, intitulée Chuck E’s in love . Serge se montre
étonné que je connaisse cette chanson qui date de la fin
des années 1970, et il me demande comment la chose est
possible. Je lui raconte alors que l’ancien amoureux de ma
sœur, un DJ que j’adorais et qui a vécu trois ans avec elle,
me l’a fait écouter alors que j’étais adolescente. « J’ai beaucoup aimé ce type. Il s’appelait Serge Grimaux. » Serge est
stupéfait. « Tu connais Grimaux ? C’est mon ami et mon gérant ! »
Comme le monde est petit ! Je n’ai pas revu Grimaux de
puis trente ans. Dès le lendemain, Serge m’annonce que
nous avons des invités pour souper : Serge Grimaux et sa
femme, Marketa. Il ne lui a pas parlé de moi, il a juste mentionné qu’il serait avec sa nouvelle blonde. Quand Grimaux
arrive, je suis très nerveuse. Je me cache dans la cuisine
et quand il y pénètre, il fige. Il me reconnaît tout de suite.
Il pose tout simplement ses mains sur mes joues et tendrement, il me demande comment je vais. Nous passons une
magnifique soirée de retrouvailles ; ce soir-là, Grimaux et
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