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Serge Fiori : s'enlever du chemin

Serge Fiori : s'enlever du chemin

Titel: Serge Fiori : s'enlever du chemin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Thériault
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look hippie qui
étonne ses amis qu’il retourne au cégep. Gavé de musique,
il invite ses copains chez lui pour des soirées musicales
au cours desquelles il exécute des thèmes de Led Zeppelin tout en improvisant   ; un gigantesque univers musical
semble émaner du jeune homme. De ce corps dont il est
nouvellement conscient, Fiori apprivoise les sens   : l’ouïe,
la vue, le toucher.
    Ce changement de registre musical l’entraîne vers de
nouveaux instruments   : il se procure une Les Paul / Marshall, guitare mythique s’il en est une, et il improvise des
solos spectaculaires que ses amis enregistrent et écoutent
par la suite. Il commence à jouer le soir, dans des fêtes,
puis dans des bars, tout en continuant de jouer avec l’orchestre de son père dont, sur le plan musical, il se sent de
plus en plus éloigné. Quand il doit s’exécuter avec son père,
puisqu’il doit revêtir un smoking, il le porte avec des bottes
de travail et monte sur scène en mâchant de la gomme, ce
qui n’est pas sans irriter Georges, mais lorsque celui-ci entend les rires que Serge déclenche dans l’auditoire, il finit
par se détendre.
    Lors de soirées bavaroises qu’animent Georges et son
orchestre, avec ses amis Richard Beaudet, célèbre saxophoniste, et Réal Desrosiers, venus prêter main-forte à
l’orchestre, Serge boit parfois quelques bières afin de se
mettre dans l’ambiance. Les musiciens revêtent ensuite le
costume traditionnel bavarois (court pantalon vert à bretelles, petit chapeau de feutre orné d’une plume, longues
chaussettes blanches) et montent sur scène en pouffant de
rire. En compagnie d’un Serge Fiori muni de son inséparable Les Paul / Marshall, tout ce beau monde s’investit à
fond dans le registre folklorique bavarois. La musique endiablée et la bière allemande aidant, les gens dans la salle
finissent par danser avec enthousiasme. Une salle en liesse, des adolescents aux cheveux longs, vêtus de culottes
courtes et de chapeaux à plumes, un Georges qui s’agite
avec son accordéon et la guitare électrique d’un Serge Fiori   : voilà un véritable tableau fellinien dont les jeunes musiciens riaient de bon cœur. Ces soirs-là, ils vivaient six ou
sept heures de rires ininterrompus.
    Les transformations de Serge attirent de nouvelles relations   : des amis qui, comme lui, se passionnent pour la musique, les arts, l’égalité des sexes, mais aussi – et surtout –
pour la mouvance nationaliste et le Parti québécois de René
Lévesque. Aux yeux de ces jeunes assoiffés qui suivent l’ascension de ce politicien, il s’agit de l’aspiration profonde du
peuple.
    Serge ne retrouve pas, dans sa famille italienne, ce même
sentiment. Les membres de la famille Fiori ont certes
épousé des Québécois, ils ont appris le français, mais ils ne
changent en rien leurs croyances ni leur façon de vivre, et
ne s’adaptent pas aux mœurs d’ici. Partisans inconditionnels de l’Union nationale, les Fiori ne discutent jamais des
politiques du parti, ne remettent rien en question. Ils sont
étampés «   bleus   » et Daniel Johnson, décédé alors qu’il était
premier ministre en 1966, a toujours été l’idole de Georges. Mais Serge ne se reconnaît pas dans ce parti, ni dans
ses politiques. Pas plus, d’ailleurs, que dans celles de son
successeur, Jean-Jacques Bertrand. Mais c’est l’élection,
en 1970, du gouvernement libéral de Robert Bourassa, qui
cristallisera chez Serge cette volonté de donner au Québec
un pays. Ce triste comptable, peu charismatique, paraît
bien pâle aux yeux de la jeunesse québécoise, qui suit avec
passion la montée de René Lévesque et de son nouveau
parti, fondé deux ans auparavant, le Parti québécois. Ministre sous le gouvernement Lesage (1960-1966), Lévesque
avait présidé à la nationalisation de l’électricité, arguant
que le Québec avait le devoir de garder la mainmise sur ses
ressources naturelles. Cigarette au bec, il avait parcouru
la province pour convaincre les électeurs du bien-fondé
d’une plus grande autonomie du Québec sur le plan des
ressources naturelles, tout en concevant un projet politique – l’indépendance – qui verra le jour dans la mise sur
pied du Mouvement Souveraineté-Association (MSA), qui
se fusionnera au Ralliement pour l’Indépendance Nationale (RIN) en 1968, pour devenir le Parti québécois. Le jeune

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