Serge Fiori : s'enlever du chemin
deviendra une première démo. L’enregistrement
se fera au studio d’André Perry, situé dans une église anglicane du carré Amherst, en plein centre-ville de Montréal.
Mais Serge travaille aussi en studio pour accompagner
d’autres musiciens. L’expérience est aussi magique que
formatrice pour le jeune Fiori, qui a toujours pensé que
pénétrer dans un studio, c’était comme entrer dans une
église ; le caractère sacré de la musique doit y être exprimé
avec un profond respect. La première fois qu’il met les
pieds dans le studio, son cœur s’emballe : il est chez lui, il
a trouvé sa maison, il se sent renaître ! Fiori est au temple
de la création musicale – une véritable église, au demeurant – l’endroit de tous les possibles. Il vit là ses premières
véritables expériences professionnelles, enregistrant pour
lui et pour d’autres, des tracks qui seront immortalisées sur
bande. Lorsqu’il apprend que dans le studio du bas (lui enregistre en haut) Jean-Pierre Ferland travaille avec Perry à
l’enregistrement de l’album Jaune, le jeune musicien ne se
contient plus ! Dès qu’il a achevé sa prise, il se rue en bas et
là, appuyé contre la porte du studio, il observe Ferland et
Perry travailler ; il fait le plein de cette musique à l’oreille,
lui qui ne sait pas lire la musique. Il tente par la suite de
reproduire ces pièces chez lui, lorsqu’il est de retour. De
fil en aiguille, il est engagé pour d’autres sessions et il ne
se fait pas prier. Fiori adore l’atmosphère de studio et ne
s’en lasse jamais : bien au contraire, il y dormirait, s’il le
pouvait. Il est à l’affût de tout ce qui s’y passe, s’y produit,
s’y crée. Il s’y plaît, comme un poisson dans l’eau.
Parallèlement à son travail en studio, Serge enregistre
aussi, chez Tony Roman, cette fois, un autre 45 tours . D’un
côté, une pièce instrumentale et, de l’autre, Souvenir byzantin , un texte de Claude Meunier (son deuxième essai)
sur une musique de Serge Fiori. C’est encore un essai plutôt raté ; Fiori juge le résultat si médiocre qu’il est bien près
d’aller jeter lui-même le 45 tours dans l’incinérateur de
Jacques Duval !
C’est au retour de l’une de ces sessions d’enregistrement
qu’il se rend compte que plus rien n’est pareil. Un soir, dans
un geste banal, il décroche sa guitare dans un coin et compose, de bout en bout et d’un seul mouvement, l’intro de
ce qui deviendra Histoire sans paroles sur le second album
d’Harmonium. Il est stupéfait d’avoir pu réaliser une telle
prouesse : quatre minutes instrumentales de grande qualité sur une douze cordes ! Il conserve l’impression que
quelqu’un l’a guidé, lui a fait bouger les mains, qu’il a été
habité, possédé ! L’épisode est tout à la fois exaltant et effrayant, confirmant son soudain réveil dans la peau d’un
véritable musicien !
Mais au-delà de la musique et de la découverte du travail
en studio, Serge commence à s’intéresser à la belle Lucie,
qui fait partie du groupe d’amis. Pour l’instant, il garde secrète son attirance pour la belle blonde, à laquelle d’autres
gars de la bande s’intéressent aussi. C’est que Lucie, grande
fille mince aux yeux bleus et à la longue chevelure bouclée,
intelligente, réservée et énigmatique, en allume plus d’un.
La belle hésite, devant tous ces soupirants. En leur compagnie, elle s’ouvre à la vie culturelle, au cinéma, à la musique. Elle a de l’affection pour chacun et souhaite prendre
son temps avant de s’engager avec l’un d’entre eux. Elle
reçoit des lettres enflammées de Guy Fradette et de Réal
Desrosiers, et Serge compose même une pièce musicale
pour elle : Little lady of mine. Malgré l’intérêt qu’on lui
porte, elle demeure tout de même réservée : elle est attirée
par Guy, mais auprès de Serge, elle se sent privilégiée.
Plutôt réservé lui aussi, Serge attend avant de faire les
premiers pas avec Lucie. Il semble qu’ils sont les seuls à ne
pas voir ce qui saute aux yeux de tous. Elle est présente à
tous les spectacles de Serge, elle est assise près de lui chaque fois qu’il joue pour ses amis. Ils s’échangent des regards complices. En somme, les liens qu’ils sont en train
de créer sont manifestes. Pourtant, leur relation prendra
beaucoup
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