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Serge Fiori : s'enlever du chemin

Serge Fiori : s'enlever du chemin

Titel: Serge Fiori : s'enlever du chemin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Thériault
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Casanous, un endroit tenu par Pierre Léger, une espèce
de poète excentrique qui se fait appeler Pierrot le fou et
qui reçoit différents artistes sur sa petite scène. Dans le
bureau surplombant le club, rue Sherbrooke, Harmonium
auditionne devant un Pierrot le fou complètement nu,
arborant un chapeau d’orignal et ivre au beau milieu de
l’après-midi   ! Le trio est tout de même embauché et, dès
les premiers soirs, le bouche-à-oreille assure le succès du
spectacle. Harmonium jouera devant une salle comble,
pour le cachet mirobolant de sept dollars par soir, durant
les deux mois suivants.

    Toujours cet automne-là, le groupe se produit aussi au
Patriote, participe à un Spécial Québec de quatre heures
sur les ondes de CKVL, donne des concerts au cégep du
Vieux-Montréal en duo avec Beau Dommage – il s’agit de
la première rencontre dite «   officielle   », mais les membres
se connaissaient déjà presque tous auparavant – et offre
de nombreux spectacles dans les cégeps en région   ; bref,
ils sont mûrs pour songer à produire un album. Puisque les
chansons sont bien rodées et que les trois musiciens se révèlent à l’aise sur scène, Ladouceur décide enfin de frapper
à la porte des compagnies de disques. Muni d’une démo,
il s’adresse d’abord à Capitol, une division de la puissante
EMI de Londres. La compagnie consent à produire un 45
tours , mais n’a pas l’intention de faire un album pour l’instant   ; la musique d’Harmonium lui apparaît atypique et en
dehors des conventions et des standards radiophoniques.
Les pièces sont trop longues, le style est trop nouveau.
    Gilles Valiquette, premier artiste québécois de cette
vague à produire un album complet, rappelle qu’au début des années 1970, la tendance était effectivement aux
45 tours . Les compagnies de disques hésitaient à prendre
des risques, et ce format permettait de tester le marché et
de s’assurer de la réponse du public avant d’investir dans
un album plus coûteux. Mais surtout, à cette époque, les
artistes, s’ils voulaient endisquer, n’avaient pas beaucoup
le choix des chansons   : ils devaient opter pour des traductions de hits américains ou des tubes français adaptés
pour le Québec. Tout cela faisait en sorte qu’au moment
de la signature du contrat, il était moins important de lire
l’article concernant les redevances que celui exposant le
contrôle de la créativité, là où il était question de la marge
de manœuvre de l’artiste. Qui va choisir les pièces   ? Pourrai-je les enregistrer à mon goût, à ma façon   ?
    Quoi qu’il en soit, il n’y aura pas, pour Harmonium, de
45 tours . Serge est catégorique   : ce sera un album.
    Ladouceur effectue donc une deuxième tentative, chez
Barclay cette fois, la division québécoise d’une compagnie
de disques française. Il essuie un refus. Puis, il s’adresse à
London Records, une compagnie qui vient de publier le
duo Jim et Bertrand, ainsi que Gilles Valiquette. Là encore,
c’est un échec   : Yvan Dufresne, le directeur artistique, ne
croit pas au succès possible d’Harmonium.
    Ladouceur tente alors sa chance du côté des Disques
Columbia, mais ses messages restent sans réponse   ; chez
Warner, et ce malgré la grande confiance manifestée
par Jacques Chénier, le siège social de Toronto n’est pas
convaincu et l’offre est refusée.
    Finalement, chez Quality Records, Nicole Dufour est
impressionnée par la qualité de la musique d’Harmonium.
Elle propose au groupe une rencontre avec leur producteur délégué afin de discuter d’un éventuel contrat. Au début de cette décennie, Quality Records est surtout reconnu
pour produire des hits de disco états-uniens   : choisir de
produire un album avec Harmonium semble une occasion
de percer le marché québécois.
    Dans son bureau montréalais, Bob Morten, le réalisateur, reçoit Yves Ladouceur et le groupe. Les échanges,
ainsi que les demandes, sont directs, et l’entretien se déroule exclusivement en anglais. Ils vont enregistrer un album au studio Tempo, à Montréal, avec un budget de six
mille dollars   ! L’entente est conclue. Le trio et leur agent
repartent du bureau surexcités. Le studio, situé rue McGill
College, occupe l’ancienne voûte à fourrure du magasin
Holt Renfrew. Ironiquement, ce sont les anglophones qui
donneront à ce groupe québécois, à saveur nationaliste, la
chance de

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