Serge Fiori : s'enlever du chemin
faire ses débuts avec un premier album.
Michel Lachance leur est proposé à titre d’ingénieur du
son par les propriétaires du studio. Celui-ci suggère d’engager Fred Torak pour les arrangements musicaux. Fiori
découvre rapidement, en Lachance, un ingénieur du son
formidable, peut-être le meilleur au pays. Il souhaite l’impressionner, mais l’homme est d’un stoïcisme qui rend les
membres du groupe perplexes. Il est certes émotif – comment faire ce métier autrement ?–mais si peu démonstratif
que les musiciens ne savent pas très bien à quoi s’en tenir.
Cette réserve devient le seul critère de qualité pour Serge,
en studio. Après chaque prise, Michel reste de marbre et
les musiciens sont suspendus à ses lèvres. Après quelques
secondes de cet interminable silence, l’un d’entre eux
hasarde : « On en refait une autre… ? » Un simple hochement de tête leur confirme qu’il faut reprendre. « Si Michel
ne demande pas de reprise, ça veut dire que c’est bon en crisse ! » se souvient Serge, qui se sent constamment mis
au défi de plaire à Lachance. De son côté, lorsque Michel
rencontre Serge pour la première fois, il se souvient avoir
pensé : « Quelle méchante bibitte ! J’ai tout de suite vu qu’il
y avait quelque chose d’inusité chez lui. D’abord, il avait
toujours l’air épuisé, fatigué, sans que personne sache trop
pourquoi. Il était transparent, disait tout ce qu’il pensait,
mais surtout, il était particulièrement talentueux. Serge
est l’un des chanteurs les plus talentueux avec lesquels j’ai
travaillé. Il avait un contrôle de son falsetto complètement
ahurissant. Je n’avais jamais entendu ça. Et comme guitariste, il était exceptionnel. »
Une solide équipe s’est maintenant constituée autour du
trio. Ils ont six jours pour enregistrer, du quatre au dix janvier 1974, et le studio est à leur disposition dix heures par
jour. Ils jouiront d’une journée additionnelle pour mixer
le tout. Dans le studio, Lachance remarque vite que Serge
est le leader sur tous les plans ; pour confirmer quelque
chose, il suffit de le regarder pour observer sa réaction : sa
réponse est toujours celle du groupe. Étonné par la différence des membres, l’ingénieur se demande comment ce
trio a bien pu naître. Il demeure particulièrement intrigué
par l’écart considérable entre le talent de Serge et celui de
Michel, mais il garde bien sûr le silence à ce sujet. Morten
vient au studio de temps à autre boire sa bière, mais il s’investit très peu dans le travail ; Lachance réalise bien vite
qu’avec ce maigre budget et le peu de temps alloué à l’enregistrement, Quality ne croit au projet qu’à moitié.
Fred Torak, arborant longs cheveux roux et moustaches
tombantes, avait lui-même fait partie d’un groupe dans
les années 1960 ; Les Quatre Français, qui avaient fait, en
septembre 1964, la première partie des Beatles au Forum
de Montréal. C’est un arrangeur d’expérience et de grand
talent.
Lorsque Torak rencontre le groupe pour quelques ré
pétitions avant le début de l’enregistrement, il comprend
tout de suite qu’il est devant quelque chose de sidérant. Il
se lie spontanément d’amitié avec Serge et, à compter de
ce jour, Fiori et lui soupent ensemble tous les soirs, parlent
de musique, d’arrangements et de son, et échangent à propos de leurs goûts musicaux respectifs. Torak fait découvrir James Taylor à Serge et, surtout, il lui fait approfondir
sa connaissance de Joni Mitchell, qui deviendra aussitôt
son idole, une inspiration, une déesse de l’écriture. Fiori se
trouve bouleversé par la beauté et la complexité des textes
de Mitchell, et tout au long de sa carrière, il cherchera à
s’inspirer d’elle pour écrire ses propres textes. C’est que les
paroles de Joni Mitchell sont riches et comportent de multiples points de vue. Elle est devenue la référence ultime
pour Serge, qui est son plus grand fan et qui collectionne,
après les avoir maintes et maintes fois réécoutés, chacun
de ses albums. La façon d’écrire de Joni Mitchell est à la
fois limpide et complexe. Avant d’entendre les textes de
Joni, Fiori trouvait qu’il y avait quelque chose de très linéaire dans l’écriture de ses chansons à lui ; il s’agissait de
textes qui racontent une histoire, souvent de façon chronologique, et livrée
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