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Serge Fiori : s'enlever du chemin

Serge Fiori : s'enlever du chemin

Titel: Serge Fiori : s'enlever du chemin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Thériault
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rencontre chaleureuse
serait mal connaître Lévesque   : le politicien a toujours été
assez distant, d’une réserve naturelle qui entraîne ses interlocuteurs à se placer en état de quête   : quête d’approbation, quête de reconnaissance. Devant l’homme politique,
Fiori perd tout sens critique, cesse de rationaliser   : il se tient
devant un monstre sacré, l’incarnation d’un idéal aussi
profond que sincère, idéal que Serge partage sans réserve.
Il lui tend la main et Lévesque la lui serre avec timidité,
de façon réservée et, contre toute attente, de façon chaleureuse. Un curieux mélange d’émotions que Serge qualifiera de chaud-froid, de proche et de lointain.
    Quoi qu’il en soit, Harmonium embarque à fond de train
dans l’aventure politique du PQ. Les gars montent leur
équipement sur scène et attendent que René Lévesque ait
terminé son discours pour se lancer dans un spectacle qui
soulève le public   ; les drapeaux, les cris, les slogans, la musique, tout est là pour faire un succès de cette première tentative. Lévesque se montre satisfait   ; il considère le groupe
comme étant représentatif de son option politique, il aime
leur son, il apprécie la façon dont les musiciens rejoignent
les spectateurs. C’est un mariage parfait.
    Ainsi, au cours des semaines suivantes, Harmonium et
l’équipe du PQ vont de ville en ville, d’aréna en aréna, afin
de «   chauffer   » le public venu entendre et acclamer René
Lévesque. D’autres chanteurs ou d’autres musiciens montent parfois les rejoindre sur la scène et viennent «   pousser
leur toune   ». Fiori fait des rencontres mémorables. Autour
de Lévesque gravitent Gérald Godin, le poète et futur député et ministre, mais aussi sa femme, Pauline Julien, que
Serge acclamait déjà à seize ans à la Butte à Mathieu, juché en haut d’un chêne   ! Cette apôtre de l’indépendance
l’embrasse, lui affirme à quel point il est talentueux   ; c’est
le nirvana pour Serge qui, tout à coup, en dépit du succès
qu’il a jusqu’à maintenant connu, réalise qu’il est arrivé
«   quelque part   ». Cette famille qu’il a toujours admirée de
loin, il en fait maintenant partie. Il comprend alors tout le
sens et le but de sa démarche artistique, se sent enfin à la
bonne place, au bon moment. Le pays est à portée de main
et Fiori fait partie de ceux qui vont conduire le Québec à
cette ultime étape   ; il est aux côtés de René Lévesque   !
Entre les chansons, il harangue la foule, brasse le monde   ; il
a l’impression qu’il lui pousse des ailes. Il investit toute son
énergie, tant musicalement que politiquement. Il vit des
moments exaltants, et il lui arrive parfois de se dire «   Ah,
si maman voyait ça…   » Mais maman ne vient pas voir les
spectacles de son fils, et ne partage pas sa passion souverainiste. En revanche, et depuis le premier jour, Georges
apprécie et admire René Lévesque, et il partage son option
politique. En ce sens, le père de Serge Fiori différait grandement de l’Italo-Montréalais typique, qui avait normalement plus d’affinités avec l’Union nationale ou le Parti
libéral. Dans ses élans affectueux, Georges, comme bon
nombre de Québécois, surnommait René Lévesque «   Ti-Poil   ». Pour lui aussi, qui vit tous ces grands moments par
procuration, c’est le paradis   : son fils côtoie René Lévesque, «   Ti-Poil   » lui-même   !
    Au sein de cette mouvance, et dans l’esprit de cette tour
née particulière, Serge compose Depuis l’automne, qui fera
partie du second album. L’idée d’insérer des références
nationalistes dans l’heptade, plus tard, se précise aussi.
Ces références seront manifestes dans L’exil , puis dans Comme un sage , où Serge lie le concept de sagesse avec celui d’indépendance nationale. Nous sommes en 1975, et la
ferveur nationaliste semble monter en flèche depuis quelques mois. Harmonium commence à songer à faire une
fête musicale, un rassemblement monstre pour célébrer la
Saint-Jean-Baptiste sur le mont Royal. Ils échafaudent des
plans quand ils apprennent qu’ils ont été pris de vitesse   : il
y a aura bel et bien un spectacle sur la montagne le vingt-quatre juin 1975, mais ce sont cinq grands de la chanson québécoise qui le donneront   : Jean-Pierre Ferland,
Yvon
Deschamps,
Claude
Léveillée,
Robert
Charlebois
et Gilles Vigneault. Fiori et

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