Serge Fiori : s'enlever du chemin

musiciens sont fébriles lorsqu’ils montent sur
scène. Anxieux, ils ne savent pas trop à quoi s’attendre.
Pourtant, dès que Serge Fiori prononce quelques mots et
qu’il explique que les chansons sont en français, les cris
et les applaudissements fusent. S’ils ne comprennent rien
aux paroles, ils adorent la musique et le groupe. C’est un
succès   !

    Au retour, Harmonium apprend qu’il fait l’objet d’une poursuite de soixante mille dollars intentée par le Parti
québécois. Une partie de la somme est liée aux frais encourus pour amener le groupe en Californie, et le reste
couvre les dommages. Louis Valois est furieux. Il en veut
aux membres du PQ, qu’il juge stupides, intransigeants et
incompréhensifs, mais avec l’aide de Serge, il retrousse ses
manches et trouve la somme nécessaire pour rembourser
le parti.
    Entre-temps, Serge apprend par le frère de son agent,
Michel Dupont-Hébert, qu’il est coincé dans un joli pétrin
financier   : il n’a pas produit de déclaration fiscale depuis
dix ans et le gouvernement du Parti québécois le somme
de se présenter devant un comité de dix personnes qui
l’interrogent. Fiori est l’objet d’une saisie intégrale   : sa
maison, ses instruments, ses droits d’auteurs, ses comptes
en banque, tout   ! La relation d’amour entre le PQ et Serge
est définitivement terminée.
    En plus de cette dette au PQ, la tournée a engendré un
déficit de trente mille dollars, somme qu’Harmonium doit
aussi rembourser. L’offre de CBS est ainsi ramenée sur la
table, mais puisque Fiori demeure sur ses positions, le
groupe va plutôt opter pour enregistrer un album live de l’heptade à Vancouver. Le temps de cette captation, Locat
accepte de renouer avec le groupe. Ce sera chose aisée   :
après plus de deux ans de tournée presque ininterrompue, le spectacle est rodé au quart de tour et les musiciens
sont tellement performants que l’enregistrement se fait en
une seule prise   ! Pas douze captations à partir desquelles
un montage doit être exécuté, non, une seule prise   ! Les
profits générés par la vente de cet album libèrent enfin le
groupe de ses dettes.

 
     
     
    CHAPITRE 3
L’après-harmonium
Fiori-Séguin
    Tout au long de la tournée de l’heptade, l’amitié entre
Serge et Richard Séguin se renforce. De temps en temps,
lorsqu’Harmonium est en spectacle, Richard assiste aux
prestations du groupe. Il lui arrive même de monter sur
scène pour chanter avec les chœurs. Fiori sent bien la tension et l’insécurité que cette relation suscite chez les membres du band, surtout que les musiciens sentent bien que
Serge n’est plus heureux au sein d’Harmonium.
    Il est vrai que Fiori a besoin de sortir de l’étau qui se resserre sur lui. Après l’heptade, il éprouve surtout un grand
besoin de nouveauté, il a le goût de passer à autre chose.
Pour ce faire, il cherche quelqu’un avec qui il peut partager le travail d’écriture, qui peut s’occuper d’une partie de
la création. Ce partage est possible avec Richard Séguin   :
ils peuvent ensemble écrire des chansons, et laisser un espace pour que chacun puisse écrire à son tour ses propres
pièces.
    Un samedi après-midi, lors d’une visite chez Richard Séguin, les deux s’installent dans la cuisine, grattent leurs guitares, sortent du papier et des crayons   ; une chanson prend
lentement forme, des mots qui visent à traduire le sentiment
d’amitié qui se vit dans le groupe d’amis de Magog. Ces paroles et cette musique deviendront la chanson Ça fait du bien .
     
    Ça fait du bien de s’voir
    Ensemble dans un lieu d’espoir
    J’crois en toi tellement fort
    Si on chantait encore
    Y a d’la sueur, dans nos mains
    Y a d’la peur, qui nous r’tient
    Prends mon temps, moi j’prends l’tien
    J’vois l’printemps, à chaque fois qu’tu reviens
    J’vois loin par en avant
     
    Cette chanson, comme la plupart de leurs compositions,
puise son inspiration à même leur vécu, dans leur conviction nationaliste et leur amour du peuple québécois. Cette
pièce, magnifique, Serge la présente au reste du band et ils
commenceront à la chanter en rappel durant la dernière
série de spectacles de l’heptade . Ce sera un mégasuccès.
    Chaque fois qu’elle est interprétée, la foule continue de
chanter de longues minutes après la représentation, fredonnant ce fameux la, la, la, la-la-la, la-la-la-la-la… Il s’agit