Serge Fiori : s'enlever du chemin
se préparent à le
faire, mais chacun continue d’écrire des chansons. Il n’y a
aucun doute dans la tête des trois hommes que le métier
de faiseur de chansons est le seul qu’ils veulent exercer.
Durant les dernières semaines, Séguin a écrit Chanson pour Marthe, Rivard a planché sur un coin de table à l’écriture de Le vent du fleuve , qui s’est retrouvé sur son premier album solo, et Fiori a écrit, dans son cahier Canada
(une savoureuse ironie, pour ce nationaliste convaincu)
les premières phrases de La moitié du monde . Inspirés de
la chanson Les trois hommes noirs , une vieille chanson folklorique, le trio commence à avoir une idée de l’album
qu’il créera : ce sera un album intime et la contribution de
chacun sera de deux chansons. Durant l’été, toutefois, Michel Rivard se désiste du projet : il part rejoindre une femme en Belgique, dont il est tombé amoureux, et il pense
demeurer là-bas quelques mois. Fiori et Séguin décident
de poursuivre quand même l’écriture et la réalisation de
l’album. Séguin se souvient : « On décide alors de poursuivre l’écriture à deux, Serge et moi. C’est à Ayer’s Cliff qu’on
finit les chansons de Deux cents nuits à l’heure . Paul Huylebroeck nous prête sa maison et on y improvise un studio
pour faire les démos. L’écriture est fluide, et lentement, la
rumeur de la création de l’album se répand. Ce qui devait
être un projet acoustique intime se change lentement en
un projet d’envergure. C’était l’idée du batteur Denis Farmer. Il avait l’ensemble du projet en tête : réaliser le disque
et partir en tournée avec ce nouveau groupe. C’était une
façon de poursuivre l’aventure d’Harmonium, mais sous
le nom de Fiori-Séguin. »
Avec quelques membres du groupe, essentiellement présents pour l’heptade, Libert Subirana au saxophone, Monique Fauteux à la voix, Robert Stanley à la guitare, Neil Chotem aux claviers et deux nouveaux musiciens, Michel Dion
à la basse et Jeff Fisher aux synthés, Fiori-Séguin refuse
d’être un « Harmonium 2 ». Louis Valois et Serge Locat
constituaient, avec Serge, le noyau dur du groupe d’origine ; l’absence de ces deux musiciens implique l’émergence
d’un son différent. Il est utile de préciser que l’embauche
de Dion à la basse, au lieu de Valois, procède davantage
d’un désir de Denis Farmer de travailler avec Dion et de
la volonté de démarquer la nouvelle formation de celle
d’Harmonium, que d’une décision d’écarter Louis Valois
du projet.
« Neil arrivait aux répétitions la tête pleine d’idées d’arrangements. Peu de gens savent que c’est lui qui a composé la finale de La guitare des pays d’en haut . Serge et moi,
on ne pensait pas à l’après-album. On était dans le présent, au cœur de sa réalisation. »
Avec la superbe voix de Richard, son potentiel de création, l’intense relation qui les unit, Serge se sent bien, et
Séguin aussi, même s’il constate qu’il n’est pas au même
endroit, musicalement, que Fiori.
« À cette époque, je me cherchais beaucoup. Je sortais
d’une période de dix ans avec les Séguin et on se remettait
en question. Marie-Claire et moi, d’un commun accord,
voulions écrire à la première personne, avec l’idée de faire
notre chemin seuls. Je n’étais pas habitué de travailler avec
les musiciens d’Harmonium, j’avais toujours travaillé avec
ma jumelle et avec la formation musicale que nous avions
à l’époque. Serge était très, très généreux à mon égard.
Il comprenait à quel point je pouvais être dérouté par ce
phénomène d’apprentissage que représentait le défi de
travailler avec un nouveau groupe. De toute façon, sur le
plan artistique, j’étais déstabilisé à la fin de notre duo : Marie-Claire et moi, nous étions comme une cellule. Désormais, je me retrouvais ailleurs, j’avais l’impression d’aller
dans tous les sens et ça paraissait dans ma musique. J’avais
des influences de Serge, des influences de Rivard, des influences des Séguin. Il me fallait apprivoiser très très vite
ce qui se passait, tout cela était nouveau pour moi. Je me
souviens notamment que lors du spectacle sur la montagne, Yves Laferrière s’adressait à nous dans un langage très
codé sur la rythmique des chansons. Moi, j’étais incapable
de m’ajuster à ce langage, et c’est Serge
Weitere Kostenlose Bücher