Serge Fiori : s'enlever du chemin

qui a tout pris en
main. Il a affirmé avec vigueur que Les Séguin avaient leur
place sur ce spectacle, et il a pris sur lui de distribuer aux
musiciens des directives pour qu’enfin on puisse se comprendre tous ensemble.   »
    Fidèles à l’idée de départ, Serge et Richard vont écrire
séparément les chansons de l’album. Ils vont se supporter
et s’aider mutuellement   : Fiori fera ses propres chansons et
Séguin les siennes. Serge se lance dans l’écriture de la pièce Viens danser , au cours de laquelle il s’amuse à découvrir
son agilité au piano, alors que ce n’est pas son instrument
de prédilection. C’est dans une maison louée dans le Maine, en compagnie de Libert, sa femme et Monique, qu’il en
compose l’introduction.
    «   Je me souviens, raconte Monique, de la sonorité de
cette intro, de comment il l’avait trouvée. Son talent d’instrumentiste m’avait une fois de plus impressionnée. Je ne
pensais pas qu’il jouait si bien du piano. D’ailleurs, il joue
d’autres instruments. Je crois que tu peux donner n’importe quel instrument à Serge Fiori   : non seulement il réussit
à en jouer, mais il parvient à en faire ressortir l’âme. Il fait
avec chaque instrument des choses que les autres ne font
pas. Il sait toujours où il s’en va, en matière de musique   :
ses couleurs d’accords, ce qu’il choisit de garder, tout cela
démontre aussi un grand talent d’arrangeur.   »
    De son côté, Richard compose Illusion, une pièce teintée d’angoisse, un dialogue intérieur qui illustre bien son
état d’âme. Serge adore cette pièce. L’échange devient
rempli d’un enthousiasme qui stimule leur créativité.
Fiori et Séguin s’investissent à fond de train. Fiori compose
ensuite La moitié du monde . Dans cette chanson, il réalise
qu’il a vraiment débloqué, lui qui croyait ne plus jamais
pouvoir écrire de façon originale. De plus, sa maîtrise du
piano épate tout le monde, et lui le premier   ; on jurerait
qu’il en a joué toute sa vie. Séguin achève Chanson pour
Marthe .
    Finalement, c’est ensemble qu’ils composent la chan
son qui sera la dernière de l’album, La guitare des pays d’en
haut , une pièce qui évoque leur amour commun pour la
guitare, cette alliée indéfectible qui trace leur parcours depuis tant d’années, et dont Neil a composé la finale.
    Avec Deux cents nuits à l’heure , Ça fait du bien et La guitare des pays d’en haut , qu’ils ont faites ensemble, Illusion et Chanson pour Marthe , de Richard, Viens danser et La
moitié du monde, de Fiori, les deux hommes tiennent enfin leur album   : ne reste plus qu’à l’enregistrer.
    Serge Fiori aurait pu, en matière contractuelle, être aux
prises avec un problème majeur   : l’entente qu’Harmonium avait conclue avec CBS prévoyait la livraison de trois
albums, or Fiori n’a enregistré, à ce moment de sa carrière,
que l’heptade dans le cadre de ce contrat. Paul Dupont-Hébert, aussi proche de Richard Séguin qu’il l’est de Fiori,
rencontre alors les gens de CBS et arrive à une entente   :
le second album prévu au contrat sera celui de Fiori et de
Séguin, Deux cents nuits à l’heure , et le troisième sera la
captation live du spectacle de l’heptade à Vancouver, ce
qui remplira les obligations contractuelles de Fiori envers
CBS.
    Fiori et Séguin enregistrent l’album, encore une fois grâce à un studio mobile, trouvé à Montréal cette fois. Ils le font
au Club Playboy de Sainte-Adèle, une espèce d’immense
chalet qui contient quatorze chambres, suffisamment
pour loger tous les membres de l’équipe. Au milieu de chaque chambre trône un grand lit en forme de cœur, sous
un plafond entièrement plaqué de miroirs   ; au pied du lit,
un long poteau jaillit du sol jusqu’au plafond, sans doute
pour favoriser les élans lascifs ou rythmiques d’éventuelles
compagnes… Fiori s’est souvent retrouvé dans des situations cocasses, loufoques même, mais celle-ci les dépasse
toutes   ; c’est surréel de rentrer dans ces chambres le soir,
après une harassante session d’enregistrement, mais c’est
ce qu’ils ont trouvé de plus économique pour parachever
le projet. Le studio comme tel est aménagé dans le grand
salon, une pièce commune du chalet assez grande pour loger tous les équipements et tous les instruments. Hélène
et Marie-Claire Sauvé viennent rejoindre le groupe dans ce
grand chalet aux