Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Serge Fiori : s'enlever du chemin

Serge Fiori : s'enlever du chemin

Titel: Serge Fiori : s'enlever du chemin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Thériault
Vom Netzwerk:
l’arrière-scène   : il se
contente de jouer de la guitare et de chanter, ce qui lui
convient parfaitement. Il espère que ses malaises, son bad
trip, finiront bien par passer et qu’il pourra bientôt reprendre le flambeau et aller de l’avant. Serge Fiori travaille fort
bien en studio, mais sur la scène, ça demeure problématique   : il y éprouve encore maints malaises. Il se dit qu’en
abordant la scène de cette façon, en tant qu’exécutant relégué à arrière-plan, débarrassé de la pression du leader
et de la nécessité de se surpasser à tout prix, il retrouvera
peut-être le plaisir de jouer live. Malheureusement, ce n’est
pas l’avenir qui se dessine pour lui   : les malaises qui le terrassaient, à la fin d’Harmonium, semblent revenir le hanter. Il tente désespérément de demeurer discret et effacé,
mais dès qu’il monte sur scène, c’est vers lui que converge
l’attention du public, ce qui lui fait revivre des angoisses
trop familières, en plus d’être injuste pour les principaux
artisans de l’album et du spectacle. Au Spectrum, au cours
du dernier spectacle de la tournée de Neil, Fiori doit s’enfermer dans une loge pour se calmer. Il y est accompagné
par d’autres personnes, et sur le visage de ces gens, Serge
ne perçoit que la panique, ce qui augmente son anxiété. Il
réussit toujours à monter sur scène, mais s’y retrouve en
enfer à chaque occasion.
    Pour souligner l’album de Neil, le groupe reçoit une invitation pour participer à l’émission Les Beaux Dimanches, à
la télévision de Radio-Canada   : il s’agit d’une présentation
d’une heure. Fiori songe à tout abandonner, mais Neil l’en
empêche   ; ce dernier croit que le meilleur moyen pour que
Serge sorte enfin de son marasme et de sa torpeur, c’est de
continuer. Il s’agit là d’une dramatique erreur   ; l’émission
deviendra au contraire la goutte qui fera déborder le vase.
Là, dans les corridors qui séparent les studios, Fiori revit
le même cauchemar qu’au cégep. Il souffre d’abord d’une
crise aiguë de paranoïa, et il perçoit les objets familiers qui
l’environnent de façon distorsionnée   ; il étouffe, tombe, se
relève, erre lamentablement. Il est égaré et pris d’une panique angoissante. Dans sa tête résonnent comme un gong
les tic-tac de l’horloge   ; il est désorienté, perdu. Soudain
les lumières s’allument, violentes et aveuglantes. Il est sur
scène   ! C’est encore une fois l’enfer sur terre   ; pourtant,
une fois de plus, il se rend au bout de la prestation. Ce sera
au prix de sa stabilité mentale et, évidemment, il en souffrira.
    De retour chez lui, Serge s’écroule dans son appartement. Il est seul. Plus d’amoureuse   : Hélène et lui se sont
quittés. Il ne lui reste que de vieilles guitares, dont il ne se
souvient plus de la provenance. Fiori est confus. Il a délaissé la maison de Saint-Césaire, car il n’est plus capable d’y
aller. Ses meubles et ses autres guitares sont là-bas, mais
la maison est devenue comme un entrepôt où il y a trop
de fantômes, de regrets et d’émotions. Il n’y met plus les
pieds.
    Puis, sans trop savoir comment ni pourquoi, Serge Fiori se retrouve dans un loft, au dernier étage d’un édifice
du campus McGill. Il y fait installer un piano. C’est à cette
époque qu’il vit de terribles moments engendrés par sa
maladie. Il n’arrive pas à sortir de chez lui, car tout lui fait
peur. Lorsqu’il parvient à oser faire quelques pas dehors,
il rentre aussitôt, en état de panique. Il sait qu’Hélène travaille tout près, dans un magasin du centre-ville. Les seuls
efforts qu’il pourrait encore consentir à faire sont ceux qui
le mèneraient jusqu’à elle, ce qui, dans son état, constitue
tout un défi. Il essaie. Chaque jour, il va un peu plus loin.
Il marche un coin de rue, puis un autre. Un jour, il réussit
même à pénétrer dans l’immeuble où elle travaille mais,
affolé, il rebrousse chemin. Il refait quelques tentatives,
réussit parfois à se rendre jusqu’à l’ascenseur mais, pour y
parvenir, il doit parfois se cacher derrière des présentoirs
de vêtements, le cœur battant et à bout de souffle. Il ne se
rendra jamais à l’étage d’Hélène.
    Le soir venu, c’est enveloppé d’un long manteau noir
que Fiori se cache à l’occasion pour aller vider un pichet
de sangria au restaurant Bodega, sur l’avenue

Weitere Kostenlose Bücher