Services Spéciaux - Algérie 1955-1957
et pris sous les rafales de nos PM, ont bien été obligés de se replier vers le bistrot d’où ils venaient mais ils n’ont pas cessé de tirer pour autant.
Nous avons traversé la place à la course, arc-boutés sous une grêle de projectiles qui nous sifflaient aux oreilles. Nous étions sous des feux croisés venant de ceux d’en face et des autres qui arrivaient par les rues. Ça commençait à ressembler à l’enfer.
Le café avait une porte principale et une porte à l’arrière. J’ai crié à Misiry de me suivre pour essayer de les déloger à la grenade en passant par la porte dérobée. Mais elle était fermée. Il a tiré une rafale dans la porte. Aux éclats, on voyait bien qu’elle était épaisse. Quelques balles ont dû néanmoins traverser car on a entendu des cris à l’intérieur.
Nous sommes revenus du côté de l’entrée principale du bistrot. Une fusillade nous a accueillis. Après avoir lancé quelques grenades, nous nous sommes rués dans la salle du bistrot que nous avons arrosée à la mitraillette. Je n’ai jamais vu autant de bouteilles sacrifiées. Je ne parle même pas du patron qui n’aurait pas dû rester derrière son comptoir.
Alors, les types sont retournés dans la cave. Mais ils ne se sont pas enfermés et ils ont continué à tirer par la porte ouverte, bien décidés à tenir. On ne pouvait plus approcher. Impossible de les déloger de là sans de lourdes pertes. J’ai demandé à mes hommes de ne pas jouer les héros et de se contenter de continuer à tirer pour faire diversion. Pendant ce temps, je me suis approché avec Misiry. Nous avons jeté deux grenades. En explosant, elles ont mis le feu.
Un instant, les tirs venant d’en bas ont cessé. Mais la cave était grande. Je savais que le commando était toujours à l’intérieur et qu’ils n’allaient pas tarder à sortir. De part et d’autre, nous retenions notre respiration. Nous avons mis de nouveaux chargeurs. Brusquement, une vingtaine d’hommes ont surgi de la cave enfumée. Nous les avons accueillis au PM et aucun n’en a réchappé.
Dehors, la bataille faisait rage. Nous sommes passés au siège du parti communiste. Les militants avaient prudemment déguerpi pour laisser la place à une cinquantaine d’hommes du FLN qui y avaient passé la nuit. La preuve de la collusion que le lieutenant-colonel Decomps, du 2 e bureau de Constantine, m’avait demandée n’était plus à faire.
Dans la rue qui longeait la demi-brigade, des rebelles continuaient à avancer, l’air hébété. Je récupérai un légionnaire qui traînait pour venir m’aider à les arrêter. Le légionnaire se mit à tirer au fusil sur les hommes qui s’écroulaient les uns après les autres.
Leur attitude était incompréhensible. Quand un fellagha tombait, ses compagnons ne réagissaient même pas et continuaient à avancer avec indifférence au lieu de chercher à se mettre à couvert ou à faire demi-tour. Ils n’avaient pas l’air d’être concernés par ce qui se passait. Dans les rues adjacentes, ils furent reçus à la mitrailleuse. Pourtant, aucun de ces hommes ne recula. De ce fait, ils eurent beaucoup de pertes.
Le sous-préfet Dupuch, paniqué, avait câblé un message à Alger disant que Philippeville était tombé aux mains du FLN, que tout était fini. Puis, il était allé s’enfermer dans sa cave. Mais le samedi, à Alger, tout le monde est à la plage et on se moquait autant des messages de Dupuch que du rapport que Mayer avait transmis un mois plus tôt. Personne n’avait pris au sérieux les menaces qui planaient sur nous. Je le savais par mon cousin qui vivait là-bas et que je voyais de temps en temps. Ses amis disaient que le FLN, ça n’existait pas.
Les rebelles laissèrent cent trente-quatre morts dans les rues de la ville et plusieurs centaines de blessés qu’ils ne s’occupèrent même pas de ramasser. De ce fait, la demi-brigade dut les secourir. Un sous-officier infirmier fut tué en allant chercher un fellagha blessé. Un de nos chefs de groupe avait essuyé des tirs venant d’une cave. Au lieu de mettre le feu à la maison ou de déloger les assaillants à la grenade, il voulut donner l’assaut à la loyale, ce qui lui a valu de rentrer en métropole entre quatre planches. Deux bonnes intentions, deux tués. Il y eut aussi une centaine de blessés.
On ramassa un petit chef FLN très mal en point devant le commissariat qu’il avait voulu attaquer. Mauvaise idée, car il
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