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Services Spéciaux - Algérie 1955-1957

Services Spéciaux - Algérie 1955-1957

Titel: Services Spéciaux - Algérie 1955-1957 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Aussaresses
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agents, donc à rendre une opération ultérieure beaucoup plus difficile à prévoir, je n’avais rien révélé au directeur des informations en ma possession. Par précaution, j’avais fait mettre en alerte le camp Péhau dont nous disposions à dix kilomètres de la mine, sur la route de Philippeville, et qui servait pour l’instruction du contingent.
    Le système de défense d’El-Halia était principalement constitué par un dépôt de fusils et de mitraillettes en nombre suffisant. Pourtant, le jour venu, le système ne fonctionna pas : celui qui avait la clé de l’endroit où se trouvaient les armes était parti se baigner à la plage de Philippeville.
    Deux ouvriers pieds-noirs de la mine parvinrent à s’échapper et arrivèrent, éperdus, hors d’haleine, au camp de Péhau. Ils criaient et disaient en pleurant que des hommes tuaient avec une férocité inouïe, qu’ils s’étaient emparés des bébés pour les écraser contre les murs, qu’ils étripaient les femmes de tous âges après les avoir violées.
    À Péhau, nous ne disposions que de deux cents jeunes recrues commandées par le capitaine Perret, qui revenait de Dièn Biên Phû, et le lieutenant Nectoux, un Bourguignon.
    Mayer, en apprenant la catastrophe, décida de reprendre la mine au plus vite. Utiliser des soldats du contingent qui n’avaient pas terminé leur instruction et savaient à peine recharger leur arme ou comprendre un ordre était extrêmement risqué. Mais ils se trouvaient sur place et Mayer, quand il le fallait, prenait ses responsabilités, Il ordonna donc à Perret de les faire attaquer sans manœuvrer, comme les soldats de l’an II à Valmy, le plus simplement possible : en ligne au coude à coude avec ouverture du feu au commandement pour éviter les accidents.
    Tout ce que pouvait faire Mayer était d’appeler au secours le groupement d’aviation tactique de Constantine. Deux T6 35 disponibles décollèrent immédiatement pour appuyer les deux cents appelés qui, sans hésiter, donnèrent bravement l’assaut pour sauver les civils encore vivants. Aucun d’entre eux ne perdit son sang-froid. Ils n’ouvrirent le feu qu’à vue et au commandement de leurs officiers. Les pilotes non plus ne déméritèrent pas. On releva quatre-vingts tués du côté des fellaghas et soixante prisonniers.
    Malheureusement, ce qu’ils avaient eu le temps de faire aux Européens de la mine dépasse l’imaginable. On retrouva trente-cinq corps. Il y avait quinze blessés et deux disparus. Quand j’ai vu les enfants coupés en morceaux, égorgés ou écrasés, les femmes éventrées ou décapitées, je crois que j’ai oublié ce que c’était que la pitié. Le plus incroyable est que ces gens avaient souvent été massacrés et mutilés par leurs voisins musulmans qui, jusque-là, vivaient en bonne intelligence avec eux. On les avait fait boire, fumer du kif. On les avait incités à piller les maisons des ouvriers pieds-noirs et on leur avait montré l’exemple.
    Vers 16 heures, Nectoux appela Mayer au téléphone :
    —  Mon colonel, je suis là-haut, à la mine. Ah, mon Dieu ! C’est pas beau à voir !
    —  Combien à peu près ?
    —  Trente. Quarante, peut-être, mon colonel. Mais dans quel état !
    —  Vous avez des prisonniers ?
    —  Oui, à peu près soixante. Qu’est-ce que j’en fais, mon colonel ?
    —  Quelle question ! Vous les descendez, bien sûr !
    Un quart d’heure plus tard, nous avons entendu des bruits de moteur. Des camions GMC arrivaient. C’était Nectoux.
    —  C’est quoi, tous ces camions, Nectoux ?
    —  Ben, je suis venu avec les prisonniers, mon colonel, puisque vous m’avez dit de les descendre.
    Prosper et moi avons réprimé un rire nerveux qui n’était peut-être que de la rage. Je me suis tourné vers Nectoux :
    —  C’est parce que vous êtes bourguignon, Nectoux, que vous ne comprenez pas le français ?
    Le lieutenant, qui n’aimait pas qu’on le taquine sur son accent, était vexé. Son expression était si comique que, cette fois, nous avons vraiment éclaté de rire, comme on peut le faire quand le burlesque le dispute au tragique.
    —  Allez, débarquez votre cargaison et foutez-moi le camp, Nectoux !
    J’ai dit au colonel que j’allais m’en occuper. Mayer n’a rien répondu. Nous nous entendions très bien et je savais qu’il approuvait mon action.
    Dans le groupe de prisonniers, j’ai pris un homme pour l’interroger moi-même.

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