Shogun
l’Espagne et le Portugal s’affrontent constamment pour avoir la propriété de cette région parce que notre commerce avec la Chine est
prospère.
— Qu’en pensez-vous, Kiri-san ? » dit
Toranaga, aussi troublé que les autres. Seul le garçon jouait avec son
éventail, indifférent.
« Il croit dire la vérité, dit Kiri. Je le pense aussi.
Mais comment le prouver ou en prouver une partie ?
— Comment le prouveriez-vous, Mariko-san ? demanda
Toranaga, heureux de l’avoir prise pour interprète.
— Si j’étais vous, je demanderais au père Tsukku-san,
dit-elle. J’enverrais aussi un vassal en qui j’ai confiance à l’étranger, pour
qu’il se rende compte. Peut-être même en compagnie de l’Anjin-san. »
Kiri dit : « Si le prêtre ne supporte pas ces
affirmations, ça ne veut pas nécessairement dire que l’Anjin-san ment, neh ? » Kiri était heureuse d’avoir suggéré à Toranaga de prendre Mariko pour
interprète quand il cherchait quelqu’un pour remplacer Tsukku-san. Elle savait
que l’on pouvait faire confiance à Mariko et que,
puisqu’elle avait juré devant son Dieu, elle ne soufflerait mot aux prêtres,
même si elle était mise à la question. Moins ces diables en savent et mieux
c’est, pensa Kiri. Quel puits de savoir que ce
barbare !
Kiri vit le jeune garçon bâiller encore une fois et en fut
aise. Moins l’enfant comprend et mieux c’est. Puis elle dit :
« Pourquoi ne pas faire appeler le chef des prêtres chrétiens et lui demander des explications ? Voyez un peu ce qu’il en dit. Leurs visages sont incapables de dissimuler quoi que
ce soit. Ils n’ont aucune subtilité. »
Toranaga acquiesça, les yeux toujours posés sur Mariko.
« D’après ce que vous savez des barbares du Sud,
Mariko-san, croyez-vous qu’ils obéiraient à un ordre du pape ?
— Sans doute.
— Ses ordres seraient-ils considérés comme la voix même de Dieu ?
— Oui.
— Est-ce que tous les catholiques chrétiens obéissent à
ses ordres ?
— Je le pense, oui.
— Même vous ?
— Oui, Sire. Si c’était un ordre de Sa Sainteté. Oui, pour le salut de mon âme. » Son regard était ferme,
« Mais en attendant ce moment, je n’obéirai à personne d’autre qu’à mon
maître et suzerain, qu’au chef de ma famille ou à mon mari. Je suis japonaise.
Chrétienne, certes, mais samouraï avant tout.
— Je crois qu’il vaudrait mieux pour Sa
Sainteté qu’elle se tienne à l’écart de nos rivages. » Toranaga
décida de ce qu’il allait faire du barbare. « Dites-lui… » Il
s’arrêta. Leurs regards se tournèrent vers l’allée et vers la vieille femme qui
approchait. Elle portait l’aube à capuchon des nonnes bouddhistes. Quatre Gris
l’accompagnaient. Ils s’arrêtèrent. Elle poursuivit son chemin seule.
1 7
Ils saluèrent tous. Toranaga remarqua que le barbare
l’imitait, ne se levait pas et ne restait pas là à fixer la personne qui
entrait, comme l’auraient fait tous les barbares à l’ exception de Tsukku-san. Le pilote apprend vite, pensa-t-il, l’esprit encore troublé par
tout ce qu’il venait d’apprendre. Dix mille questions se
pressaient sur ses lèvres, mais, selon son habitude, il
les retint momentanément pour se concentrer sur le danger présent.
Kiri s’était hâtée de donner son coussin à la vieille dame
et l’avait aidée à s’asseoir. Elle s’était ensuite agenouillée derrière elle
immobile. « Merci, Kiritsubo-san », dit la vieille femme en lui
rendant son salut. Son nom était Yodoko. C’était la veuve du Taikô et depuis sa
mort, elle s’était faite nonne bouddhiste. « Je suis désolée de venir sans
avoir été invitée et désolée de vous déranger, Sire Toranaga.
— Vous êtes toujours la bienvenue, Yodoko-san.
— Merci, merci. » Elle jeta un coup d’œil vers
Blackthorne et loucha pour mieux y voir. « Mais je crois que je vous ai
interrompu. Je ne vois pas qui… Est-ce un barbare ? Mes yeux sont de plus
en plus mauvais. Ce n’est pas Tsukku-san ?
— Non, c’est le nouveau barbare, lui dit Toranaga.
— Oh ! lui ! » Yodoko regarda de plus
près. « Dites-lui, je vous en prie, que je n’y vois pas très bien. Cela
pour expliquer mon impolitesse. »
Mariko s’exécuta. « Il dit que beaucoup de gens sont
myopes dans son pays, Yodoko-sama, mais qu’ils portent des lunettes. Il m’a
demandé si nous en avions. Je lui ai dit que oui, certains
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