Shogun
vous le lui avez demandé, mais il
était déjà mort. » Blackthorne était atterré. « Comment est-il
mort ?
— Mon maître dit qu’il est mort quand on a appelé son
nom.
— Pauvre homme !
— Mon maître dit que la vie et la mort sont deux mêmes
choses. L’âme du prêtre attendra le quarantième jour pour renaître. Pourquoi
être triste ? Telle est la loi immuable de la nature. »
Blackthorne chassa sa tristesse et concentra ses pensées sur
Toranaga et le présent. « Puis-je lui demander si mon équipage… » Il
s’arrêta, car Toranaga regardait ailleurs. Un jeune samouraï entra en hâte dans
la pièce, salua et attendit.
« Nanja ? »
Blackthorne ne comprit rien. Il lui sembla pourtant entendre
le nom du père Alvito : « Tsukku-san. » Il vit le regard de
Toranaga se poser sur lui et remarqua l’ébauche d’un sourire. Il se demanda
s’il avait effectivement envoyé quelqu’un chercher le prêtre. Je l’espère,
pensa-t-il. J’espère aussi qu’Alvito est dans la fiente jusqu’au cou. L’est-il,
oui ou non ? Blackthorne ne posa pas la question à Toranaga, bien qu’il en
fût très tenté.
« Kare ni matsu yoni, dit Toranaga sèchement.
— Gyoi. » Le samouraï salua et sortit.
Toranaga se tourna vers Blackthorne.
« Nanja, Anjin-san ?
— Vous disiez, capitaine ? dit Mariko. Au sujet de
votre équipage.
— Oui. Est-ce que Toranaga-sama peut aussi le prendre
sous sa protection ? Peut-il veiller à ce qu’il soit bien traité ?
Est-il, lui aussi, envoyé à Yedo ? » Elle le lui
demanda. Toranaga ficha ses épées dans la ceinture de son kimono. « Mon
maître dit que tout a été prévu. Vous n’avez pas à vous inquiéter pour eux.
— Est-ce que mon bateau est en sécurité ? Est-ce
qu’on s’en occupe ?
— Oui. Il dit que le bateau est déjà à Yedo. »
Toranaga se leva. Tous saluèrent, mais Blackthorne
l’interrompit brutalement. « Une dernière chose… » Il s’arrêta de
parler et se maudit, en se rendant compte de son impolitesse. Toranaga avait,
de toute évidence, clos l’entrevue. Ils s’étaient tous mis à saluer et s’étaient
immobilisés aux paroles de Blackthorne. Ils étaient complètement perdus, ne
sachant plus s’ils devaient poursuivre ou attendre et refaire leur salut plus
tard.
« Nanja, Anjin-san ? » La voix de
Toranaga était cassante et inamicale. Lui aussi venait d’être perturbé.
« Je suis désolé, Toranaga-sama. Je ne voulais pas être impoli. Je voulais simplement savoir si dame Mariko serait
autorisée à parler quelques instants avec moi avant mon d épart ?
Cela me serait d’un grand secours. »
Toranaga grogna un oui impérieux et sortit, suivi de Kiri et
de sa garde personnelle.
Quelle bande de petits susceptibles, se dit Blackthorne. Tu
dois faire preuve de prudence. Il essuya son front du revers d e sa
manche et vit le désarroi s’inscrire sur le visage de Mariko. Rako brandit immédiatement
un petit mouchoir. Il se rappela qu’il portait le kimono du
« maître » et qu’on ne s’essuyait pas le front avec le revers de la
manche du « maître ». Tu viens donc de commettre un autre crime de
lèse-majesté ! Je n’arriverai jamais à apprendre.
Seigneur, qui êtes au ciel… Jamais !
« Anjin-san ? » Rako lui offrait du saké. Il
la remercia et le but.
« Gomen nasai » , dit-il. Il prit la tasse
et la tendit à Mariko avec bonne humeur. « Je ne sais si c’est une coutume
polie o u pas, mais aimeriez-vous boire un peu de
saké ? Est-ce permis ? Dois-je me cogner la tête par
terre ? »
Elle rit. « Oh ! oui, c’est très poli. Non, ne
vous cognez pas la tête par terre, s’il vous plaît. Vous n’avez pas besoin de
me présenter vos excuses, capitaine. Les hommes ne s’excusent jamais auprès des
femmes. Tout ce qu’ils font est bien. C’est, du moins, ce que nous, les femmes,
croyons. Vous ne pouviez pas savoir, Anjin-san. Merci, non. Je ne dois plus
boire de saké, car il me monte à la tête et me paralyse les genoux. Vous apprenez
très vite. Ça doit vous être très difficile. Ne vous tourmentez pas, Anjin-san,
sire Toranaga m’a dit qu’il trouvait vos aptitudes exceptionnelles. Il ne vous
aurait jamais donné son kimono s’il n’avait pas été content de vous.
— A-t-il fait chercher Tsukku-san ?
— Le père Alvito ?
— Oui.
— Vous auriez dû le lui demander, capitaine. Il ne m’a
rien dit. Il est, en
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