Shogun
heureux. C’était peut-être le saké. Je suis désolé.
J’espère ne pas avoir dérangé Toranaga-sama.
— Mon maître dit qu’il aimerait beaucoup vous voir
danser cette danse en chantant cette chanson.
— Maintenant ?
— Oui, bien sûr. »
Toranaga s’assit en tailleur et sa petite cour s’installa.
Tu y es, crétin, se dit Blackthorne. Voilà ce qui arrive
quand on ne fait pas attention. Tu dois, à présent, passer aux actes. Tu n’as
plus de voix. Tes pas sont gauches et maladroits.
Il resserra les pans de son kimono et se lança quand même,
avec grâce. Il se mit à pivoter, à tourner, à sauter. Sa voix tonnait,
grondait, joyeuse.
Grand silence.
« Mon maître dit qu’il n’a jamais rien vu de tel.
— Arigato goziemashita ! » dit
Blackthorne, en nage. Toranaga mit ses épées de côté, remonta les pans de son
kimono et vint près de lui. « Sire Toranaga veut apprendre à danser votre
danse.
— Pardon ?
— Apprenez-la-lui, s’il vous plaît. »
Blackthorne s’exécuta. Il lui montra les pas de base que
Toranaga maîtrisa très vite. Blackthorne était tout à fait impressionné par
l’agilité de cet homme d’âge certain, au gros ventre et aux fesses rebondies. Il chanta et dansa et Toranaga se joignit à lui, hésitant, à la
grande joie des spectateurs. Il enleva son kimono, croisa les bras et se mit à
danser à côté de Blackthorne avec un égal enthousiasme. Blackthorne, lui aussi,
ôta son kimono et chanta plus fort. Il fit, pour finir, un petit saut en deux
temps trois mouvements et s’arrêta. Il applaudit et salua Toranaga. Ils
applaudirent tous leur maître. Toranaga s’assit au milieu de la pièce. Rako se
précipita vers lui pour l’éventer ; les autres ramassèrent son kimono.
Mais Toranaga l e tendit à Blackthorne et en prit un
ordinaire à la place. Mariko dit : « Mon maître serait heureux de
vous voir accepter ceci en cadeau », elle ajouta : « On
considère comme un très grand honneur le fait de recevoir un kimono de son
suzerain, même si ce kimono est très vieux.
— Arigato goziemashita. Toranaga-sama. »
Blackthorne salua profondément puis dit à Mariko : « Je comprends
très bien l’honneur qu’il me fait, Mariko-san. Remerciez sire Toranaga , j e vous prie, en employant les mots d’usage que je ne connais
malheureusement pas encore. Dites-lui que je le garderai précieusement et que
je chérirai encore plus l’honneur qu’il m’a fait en dansant avec moi. »
Kiri et ses servantes aidèrent respectueusement Blackthorne
à enfiler le kimono de leur maître et lui montrèrent comment en nouer la ceinture. Le kimono était en soie brune, avec les cinq insignes pourpres. La ceinture était en soie blanche.
« Sire Toranaga dit qu’il a beaucoup aimé votre danse.
Un jour, il vous apprendra l’une des nôtres. Il aimerait que vous appreniez le
japonais le plus vite possible.
— Et moi donc ? Pouvez-vous lui demander quand
est-ce qu’on me rendra mon bateau ?
— Senhor ?
— Mon bateau, senhora. Demandez-lui, je vous prie,
quand est-ce que je récupérerai mon bateau. Toute la cargaison a été déchargée.
Il y avait vingt mille ducats dans le coffre-fort. Je suis sûr qu’il comprendra que nous sommes des marchands. Bien que nous appréciions
son hospitalité, nous aimerions quand même faire du commerce – avec les
marchandises que nous avons apportées de notre pays – et retourner chez nous.
Il va nous falloir au moins dix-huit mois pour faire la route de retour.
— Mon maître dit que vous n’avez pas à vous inquiéter.
Tout sera fait dès que possible. Vous devez d’abord être fort e t
en bonne santé. Vous partez au crépuscule.
— Senhora ?
— Sire Toranaga a dit que vous partiez au crépuscule, senhor . Me suis-je mal exprimée ?
— Non, non, pas du tout, Mariko-san. Mais vous m’avez
dit il y a une heure que je ne partais que dans quelques jours.
— Oui, mais il vient de dire que vous partiez cette
nuit. Mon maître dit que c’est mieux et plus pratique pour vous. Pas besoin de
vous inquiéter, Anjin-san. Vous êtes sous sa protection. Il envoie la dame
Kiritsubo à Yedo pour y préparer son retour. Vous partirez avec elle.
— Remerciez-le, s’il vous plaît. Est-il possible de
faire libérer le frère Domingo ? Cet homme possède un immense savoir.
— Mon maître dit qu’il est désolé. Il est allé
immédiatement le faire chercher, hier, quand
Weitere Kostenlose Bücher