Shogun
les pères n’en parlaient
pas. Il y a ici des hommes qui, de temps en temps, veulent de jeunes garçons…
les prêtres prennent de temps à autre de jeunes garçons, les nôtres et les
vôtres… J’ai bêtement cru que vos coutumes étaient semblables aux nôtres.
— Je ne suis pas un prêtre et ce
n’est pas une coutume habituelle chez nous. »
Le chef des samouraïs, Kasu Oan, observait la scène
méchamment. Il était responsable de la sécurité du barbare de sa santé, et il
avait vu, de ses propres yeux, les incroyables faveurs prodiguées par Toranaga
à l’Anjin-san. L’Anjin- san était à présent furieux.
« Qu’est-ce qu’il a ? » demanda-t-il. Il était évident que cette
femme stupide avait certainement dit quelque chose de vexant à son très
important prisonnier. Mariko lui expliqua ce qu’elle avait dit et ce qu’il avait répondu .
Oan se gratta la tête, décontenancé. « Il est fou
furieux parce que vous lui avez proposé un jeune garçon ?
— Oui.
— Je suis désolé, mais avez-vous au moins été
polie ? Auriez-vous employé un mot qu’il ne fallait pas employer ?
— Oh ! non, Oan-san, j’en suis certaine. Je suis
vraiment désolée. Je suis responsable.
— Ce doit être quelque chose d’autre. Quoi ?
— Non, Oan-san. Ce n’est que ça.
— Je ne comprendrai jamais rien à ces barbares !
dit Oan , exaspéré.
— Calmez-le, je vous en prie, Mariko-san, pour notre
bien à tous.
— Toi, ordonna-t-il à Sono. Apporte encore du saké
chaud et des serviettes brûlantes ! Toi, Rako, frotte le cou de ce
diable ! » Les servantes obéirent.
Une pensée soudaine : « Je me demande si tout ça
n’arrive pas parce qu’il est impuissant. Son histoire de rencontre sur
l’oreiller au village était vague, neh ? Peut-être que le pauvre
garçon est fou furieux parce qu’il ne peut pas faire de rencontre du tout et
parce que vous avez amené le sujet sur le tapis ?
— Désolé, mais je ne le pense pas. Le docteur dit qu’il
est très bien membré.
— S’il était impuissant… ça expliquerait tout, neh ? Ça suffirait pour me faire hurler, moi aussi. Oui,
demandez-le-lui. »
Mariko s’exécuta. Oan fut horrifié de voir le visage du
barbare s’empourprer à nouveau et un flot de jurons inonder la pièce.
« Il… il dit que non. » La voix de Mariko était à peine un murmure.
« Tout ça pour dire non ?
— Ils utilisent de nombreux jurons très imagés quand
ils sont énervés. »
Oan commençait à transpirer d’angoisse, car il était
responsable.
« Calmez-le ! »
L’un des samouraïs, un soldat plus âgé, suggéra pour les
aider : « Oan-san, il fait peut-être partie de ces hommes qui aiment
les chiens, neh ? On nous a raconté d’étranges histoires sur les
Mangeurs d’ail, en Corée. Oui, ils aiment les chiens et… je me souviens
maintenant. Oui, les chiens et les canards. Peut-être que ces têtes dorées
ressemblent aux Mangeurs d’ail ? Ils puent comme eux, hein ?
Peut-être qu’il veut aussi un canard ? »
Oan dit : « Mariko-san, demandez-le-lui. Non, il
serait préférable de n’en rien faire. Calmez-le, simplement. » Il s’arrêta
de parler. Hiro-matsu s’approchait. « Salut à vous », dit Oan, la
voix tendue ; il essayait de la maîtriser et de l’empêcher de chevroter
parce que « Main de Fer » avait été comme un tigre sur des charbons
ardents, ces derniers jours. Dix hommes avaient été dégradés pour manque de
tenue. Toute la garde de nuit avait été traînée à travers la forteresse. Deux
samouraïs avaient reçu l’ordre de se faire seppuku pour retard apporté à
prendre leur tour de garde. Quatre collecteurs d’immondices avaient été jetés
par-dessus les remparts pour en avoir déversé une partie dans le jardin du
château.
« Se tient-il bien, Mariko-san ? » demanda
Main de Fer d’une voix irritée. Oan était sûr que cette femme stupide qui avait
provoqué tous ces ennuis allait cracher cette vérité qui pouvait facilement
décoller leurs têtes. À son grand soulagement, il l’entendit dire :
« Oui, Sire. Tout va bien, merci.
— Vous avez ordre de partir avec Kiritsubo-san.
— Bien, Sire. » Laissant Hiro-matsu continuer son
inspection, Mariko se demanda pourquoi on l’éloignait. Est-ce simplement pour
faire l’interprète entre Kiri et le barbare durant le voyage ? Ce n’est
certainement pas si important. Où vont donc
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