Shogun
vous faisait froid dans le dos. « Allez-vous-en prêtre ! Ne revenez jamais ! Vos jours sont
comptés !
— Pas plus que les vôtres. Je suis entre les mains de
Dieu, madame. Vous feriez mieux de prendre garde à lui. Le salut éternel
peut vous appartenir, si vous croyez en lui.
— Ah, oui ? Vous êtes entre les mains de
Dieu ? Le Dieu chrétien, neh ? Que ferez-vous si vous
découvrez après votre mort qu’il n’existe pas, que l’enfer
n’existe pas et que votre salut éternel n’est qu’un rêve au sein d’un
rêve ?
— Je crois ! Je crois en Dieu, en la résurrection
et au Saint - Esprit ! dit-il tout haut. Les promesses
chrétiennes sont authentiques. Elles sont authentiques, authentiques. Je crois.
— Nanja, Tsukku-san ? »
Pendant un instant, il entendit des mots japonais sans que
ceux-ci n’aient de sens pour lui, Toranaga était dans l’encadrement de la
porte, entouré de ses gardes. Le père Alvito le salua ,
reprit ses esprits. Il transpirait. « Je suis désolé d ’être venu
sans avoir été appelé. Je… je rêvais. Je réalisais la chance que j’avais eue
d’avoir pu assister à tant d’événements, depuis mon arrivée au Japon. J’ai
l’impression d’avoir passé toute ma vie ici. Nulle part ailleurs.
— Vous vouliez me voir ?
— Oui, j’ai pensé que le motif était assez important
pour venir sans invitation. » Alvito sortit les carnets de Blackthorne et
les mit sur le sol devant lui. Il donna les explications que Dell’Aqua avait
suggérées. Il vit le visage de Toranaga se durcir et il en fut satisfait.
« Preuve de sa piraterie ?
— Oui, Sire. Les carnets contiennent les ordres
exacts qu’il a reçus. Entre
autres : si nécessaire, poser pied à terre par la force et réclamer tout territoire découvert. Je peux, si vous le désirez, faireune traduction fidèle de
tous les passages susceptibles devous être utiles.
— Traduiseztout. Et vite.
— Le père visiteur pense que vous devez également
savoir que… » Alvito raconta tout ce qui concernait les cartes, les
rapports, le Vaisseau noir. Il fut heureux de voir la réaction satisfaite de
Toranaga.
« Excellent. Vous êtes sûr que le Vaisseau noir sera en
avance ? Absolument certain ?
— Oui, répondit Alvito avec fermeté.
— Bien. Dites à votre suzerain que j’espère très
bientôt lire son rapport. Oui, j’imagine qu’il lui faudra plusieurs mois pour
vérifier la véracité des faits.
— Il a dit qu’il les préparerait aussi vite que
possible. Nous vous envoyons les cartes comme vous nous l’avez demandé.
Serait-il possible pour le commandant d’avoir ces autorisations ? Ça nous
aiderait si le Vaisseau noir arrivait plus tôt, Sire.
— Vous me garantissez que le Vaisseau arrivera plus
tôt ?
— Personne ne peut rien garantir en ce qui concerne le
vent, la marée et les tempêtes. Mais le Vaisseau quittera Macao plus tôt.
— Vous les aurez avant le coucher du soleil. Y a-t-il
autre chose ? Je ne serai pas disponible pendant trois jours. Jusqu’à ce
que la réunion des régents ait eu lieu.
— Non, Sire. Merci. Je prie pour que le
Tout-Puissant vous garde sous sa protection, comme toujours. »
Alvito salua et attendit que Toranaga le congédie. Au lieu de cela, il congédia
ses gardes. C’était la première fois qu’Alvito voyait un daimyô sans sa
garde personnelle.
« Venez vous asseoir ici,
Tsukku-san. » Toranaga indiqua un endroit à côté de lui, sous le dais.
Alvito n’avait jamais été convié sous le dais. Est-ce une
marque de confiance ? Est-ce une condamnation ?
« La guerre est imminente, dit Toranaga.
— Oui, Sire.
— Les seigneurs chrétiens Onoshi et Kiyama sont
étrangement opposés à mes désirs.
— Je ne peux répondre d’un daimyô, Sire.
— De mauvaises rumeurs circulent, neh ? Sur
eux et les autres daimyôs chrétiens.
— Les hommes sages auront toujours à cœur les intérêts
de l’empire.
— Oui. Mais en attendant, contre ma volonté, l’empire
est divisé en deux camps. Le mien et celui d’Ishido. Tous les intérêts de
l’empire se trouvent donc d’un côté ou de l’autre. Pas de moyen terme. De quel
côté se rangent les intérêts des chrétiens ?
— Du côté de la paix. Le christianisme est une
religion, Sire. Pas une idéologie politique.
— Votre père géant est à la tête de
l’Église, ici au Japon. Je vous entends parler. Vous pouvez parler
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