Shogun
près d’elle.
Blackthorne était adossé à un mur, près de la porte fortifiée. Il portait le
kimono des Bruns, des tabis et des sandales militaires. Dans la première cour,
une escorte de soixante samouraïs bien armés était alignée. Un homme sur trois
portait une torche. À leur tête, Yabu parlait à Buntaro, le mari de Mariko,
petit homme trapu, avec la tête dans les épaules. Tous deux avaient des cottes
de mailles, des carquois et des arcs. Buntaro portait un casque d’acier à
cornes. Porteurs et kagas étaient accroupis, silencieux et patients,
auprès des bagages.
La promesse de l’été flottait dans la brise légère, mais
personne n’y fit attention, à part Blackthorne. Il était le seul à ne pas avoir d’armes.
« J’aurais aimé rester. Je déteste m’en aller, dit
Kiri.
— Il n’y a aucune raison de vous inquiéter », lui répondit Mariko pour la rassurer. Elle portait le même chapeau à
larges bords, mais le sien était de couleur vive. « Vous serez heureuse de
retrouver Yedo. Notre maître suivra dans quelques jours.
— Qui sait ce que demain apportera, Mariko-san ?
— Demain, repose entre les mains de Dieu.
— Demain sera une bien jolie journée. S’il n’en est pas
ainsi, il en sera pas ainsi, dit Sazuko. Qui s’intéresse à demain ? Le
présent est une bonne chose. Vous êtes belle et vous allez nous manquer,
Kiri-san. Vous aussi, Mariko-san ! »
Buntaro invectivait un samouraï qui avait laissé tomber une
torche. Yabu, supérieur de Buntaro, était responsable du convoi. Il avait vu
Kiri arriver et alla au-devant d’elle en se pavanant. Buntaro le suivit.
« Oh, Sire Yabu, Sire Buntaro, dit Kiri. Je suis
désolée de vous avoir fait attendre. Sire Toranaga devait descendre puis il a
finalement changé d’avis. Vous devez partir tout de suite, a-t-il dit.
Acceptez, je vous prie, toutes mes excuses.
— Vous n’avez pas à vous excuser. » Yabu voulait
quitter la forteresse au plus vite, quitter Osaka et retourner à Izu. Il
arrivait difficilement à croire qu’il s’en allait avec la tête sur les épaules,
avec le barbare, les fusils, tout. Il avait envoyé de s messages
urgents par pigeon à sa femme et à Omi pour être sûr que tout était prêt à
Mishima, sa capitale, et au village d’Anjiro.
« Êtes-vous prête ? »
Les larmes brillèrent dans les yeux de Kiri.
« Laissez-mo i reprendre ma respiration. Je monterai
ensuite dans ma litière. Oh, ce que j’aimerais ne pas avoir à
partir ! » Elle regarda autour d’elle, cherchant Blackthorne et
l’aperçut finalement dans l’ombre. « Qui est responsable de l’Anjin-san
jusqu’à ce que nous montions à bord du bateau ? »
Buntaro dit : « Je lui ai ordonné de marcher à
côté de la litière de ma femme. Si elle ne peut pas le surveiller, je m’en
occuperai.
— Sire Yabu, vous pourriez peut-être escorter la dame
Sazuko ?
— Gardes ! »
L’avertissement parvint de la première cour. Buntaro et Yabu se précipitèrent à la porte fortifiée. Tous les hommes
suivirent. D’autres arrivèrent en flots des fortifications intérieures
voisines. Ishido s’approchait dans l’avenue, entre les remparts de la
forteresse, à la tête de deux cents Gris. Il s’arrêta dans la première cour, à
l’extérieur de la porte et salua avec emphase. « Belle soirée, Sire Yabu.
— Oui. Oui, en effet. »
Ishido fit un signe de tête à Buntaro qui lui rendit son
salut avec la même désinvolture. Il étudia les Bruns. Ses yeux finirent par
découvrir Blackthorne. Il voyait aussi par l’encadrement de la porte les trois
femmes et l’autre litière. Ses yeux revinrent sur Yabu. « On avait
l’impression que vous partiez tous au combat alors que vous n’êtes qu’une
escorte pour la dame Kiritsubo, Yabu-san.
— Hiro-matsu a donné des ordres à cause du meurtrier
Amida… »
Yabu s’arrêta en voyant Buntaro s’avancer, provocant, et se
planter jambes écartées au milieu du chemin. « Nous sommes toujours prêts
à nous battre. Avec ou sans armure. Nous pouvons nous battre à un contre dix, à
un contre cinquante Mangeurs d’ail. Nous ne tournons
jamais le dos. Nous ne nous enfuyons jamais comme de
foutus lâches . Nous ne laissons jamais nos camarades se
faire battre. »
Le sourire d’Ishido était plein de mépris ; sa voix
était un aiguillon.
« Oh ? Peut-être trouverez-vous très bientôt
l’occasion de vous confronter à de vrais
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