Shogun
avait une flèche à son arc. Quoique
l’arc fût pointé vers le sol, il était bandé. « Les Gris ont interdiction
de passer cette porte. Le protocole en a décidé ainsi !
— Je suis gouverneur de la forteresse d’Osaka et
commandant en chef de la garde personnelle de l’héritier ! J’ai le droit
d’aller où bon me semble ! »
Une fois de plus, Hiro-matsu reprit le contrôle de la
situation. « C’est vrai. C’est vrai… Vous êtes commandant de la garde personnelle de l’héritier et vous avez le droit d’aller où bon
vous semble. Mais seuls cinq hommes peuvent passer cette porte avec vous. Ne
vous êtes-vous pas mis d’accord là-dessus avec notre maître, pour la durée de
son séjour ?
— Cinq ou cinquante, où est la différence ? Cette
insulte est into…
— Insulte ? Mon fils ne voulait pas vous insulter.
Il ne fait que suivre les ordres de son suzerain et les vôtres. Cinq
hommes. Cinq ! » Le mot était un ordre. Hiro-matsu tourna le dos à Ishido et regarda son fils.
« Sire Ishido nous honore en voulant présenter ses
hommages à la dame Kiritsubo. »
L’épée du vieillard était cinq doigts hors du fourreau.
Personne ne savait si c’était pour frapper Ishido ou pour t rancher
la tête de Buntaro. Tout le monde savait qu’il n’y avait aucune affection entre
le père et le fils. Seul un respect mutuel pour l es
instincts vicieux de l’autre. « Eh bien, mon fils, que dites-vous au
commandant de la garde personnelle de l’héritier ? »
La sueur coulait sur le visage de Buntaro. Il recula au bout d’un moment et relâcha la tension imprimée à son arc.
Ishido avait plusieurs fois vu Buntaro dans des compétitions de tir
à l’arc, cible dressée à deux cents pas. Il l’avait vu lancer six
flèches avant même que la première n’ait eu le temps de toucher la cible. Elles
avaient toutes atteint le noir. Il aurait bien aimé éliminer ces deux-là tout de suite, mais il savait que ce n’aurait été que pure
folie de commencer par eux et non par Toranaga. Quand la
guerre éclatera, Hiro-matsu sera peut-être tenté de quitter Toranaga et de
venir se ranger à mes côtés. La dame Ochiba avait dit
qu’elle s’occuperait de Main de Fer quand les temps seraient venus. Elle avait
juré qu’il n’abandonnerait jamais l’héritier, qu’elle
arriverait bien à le convaincre d’assassiner Toranaga. Quelle emprise a-t-elle
sur lui ? se demanda Ishido. Il passa la porte et
pénétra dans le jardin. Hiro-matsu et Yabu l’accompagnaient. Cinq gardes
suivaient. Il salua poliment et souhaita bonne santé à Kiritsubo. Satisfait que
tout se soit passé comme il l’avait désiré, il se retourna et s’en
alla avec ses hommes. Hiro-matsu dit en donnant libre cours à sa rage :
« Vous feriez mieux de partir, maintenant. Cette vermine ne vous embêtera
plus.
— Oui, tout de suite. »
Kiri essuya la sueur sur son front, avec un mouchoir.
« J’ai peur pour notre maître. » Les larmes se mirent à couler.
« Je ne peux pas partir !
— Aucun mal ne sera fait à sire Toranaga, je vous le
promets, madame, dit Hiro-matsu. Vous devez partir à présent. » Kiri
essaya de réprimer ses sanglots et remonta sa voilette. « Yabu-sama,
pouvez-vous accompagner dame Sazuko à l’intérieur, s’il vous plaît ?
— Bien sûr. »
Dame Sazuko salua et partit en se dépêchant. Elle monta les
marches quatre à quatre, glissa et tomba.
« Le bébé ! hurla Kiri. Est-elle
blessée ? »
Tous les yeux se tournèrent vers la jeune fille prostrée.
Yabu la releva. Elle était plus sonnée que blessée. « Ça va, dit-elle,
hors d’haleine. Ne vous inquiétez pas. Tout va bien. C’est idiot de ma
part. »
Quand Yabu fut certain qu’il n’y avait aucun mal, il
repartit vers la première cour pour donner le signal du départ. Kiri était
derrière ses rideaux transparents, voilette relevée. Pauvre femme, pensa
Mariko, j’aurais aussi peur qu’elle si j’étais à sa place. Abandonner ainsi mon
maître.
Ses yeux allèrent vers Sazuko qui fit un signe de la main du
haut des marches puis disparut. La porte de fer se referma avec bruit derrière
elle. Ça sonne comme un glas, pensa Mariko. Nous reverrons-nous jamais ?
« Que voulait Ishido ? demanda Blackthorne.
— Il était… je ne connais pas le mot exact. Il faisait
une ronde impromptue.
— Pourquoi ?
— Il est commandant de la forteresse », lui
répondit-elle sans vouloir
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